L'événement Belal s'est produit le 15 janvier. Je précise au préalable que l'île Maurice dispose d'une structure nationale de réponse aux crises, avec un système pyramidal au sommet duquel se trouve un vice-premier ministre en charge de la gestion des catastrophes et des collectivités locales. Ce dernier préside un comité interministériel, le National Emergency Operations Command (NEOC), dont la tâche consiste à assurer tout au long de l'année une veille des risques potentiels, y compris cycloniques. Il peut prendre des décisions pour protéger la population et en assurer la gestion et le suivi. Maurice a donc parfaitement intégré la menace cyclonique et y consacre des moyens importants.
Je ne suis pas sûr que les dommages causés par l'événement à Maurice aient été bien plus importants qu'à La Réunion. Ils ont surtout été très spectaculaires. Chacun a vu les images de centaines de véhicules pris au piège à Port-Louis. Dans certains points bas de la ville, l'eau s'est engouffrée et a tout emporté sur son passage (l'ambassade de France est située à environ 200 mètres de ces zones, sur un point haut de la ville).
Pour mémoire, la dernière catastrophe naturelle à Maurice remonte à mars 2013, avec un bilan de 11 morts – tous à Port-Louis. Ce n'était pas un cyclone, mais la conséquence de très fortes précipitations, localisées et soudaines. On parle depuis lors de flash floods, c'est-à-dire de crues soudaines.
Maurice connaît chaque année des alertes cycloniques, qui ont généralement peu de conséquences. Belal a fait deux victimes et causé de nombreux dégâts : routes endommagées, plages abîmées, récoltes anéanties… Ce n'est pas non plus une catastrophe nationale. Le passage de Belal à Maurice a été un choc collectif et une réelle surprise, non seulement pour la population, mais aussi pour le gouvernement, par rapport à ce qui avait été anticipé. Au vu des témoignages publiés, le bilan aurait pu être plus lourd. La population a exprimé une certaine colère dans les jours qui ont suivi, au regard d'un manque supposé d'anticipation du gouvernement, qui a pris immédiatement les mesures nécessaires pour faciliter les indemnisations.
Dans les jours qui ont précédé l'impact de Belal, tout laissait à penser que le cyclone se dirigeait droit vers La Réunion, en contournant Maurice par l'ouest. C'est ce que montraient les modèles météorologiques jusque 24 heures auparavant. Ceci a conduit le comité de crise NEOC à maintenir le stade 1 de l'alerte cyclonique le lundi matin du 15 janvier, soit le niveau d'alerte le plus bas. Les écoles étaient fermées, mais la population pouvait se déplacer et travailler, avec les consignes de prudence associées au stade 1.
Voyant la situation météorologique se dégrader au fil de la matinée, du fait de fortes pluies continues, le comité de crise NEOC a décidé, vers 10 heures du matin, le passage au stade 2, puis, à 13 heures 30, au stade 3, avec une obligation de confinement à domicile dans les trois heures suivantes. Je précise qu'au-delà de ces trois heures, aucune assurance ne prend en charge un éventuel sinistre.
Cette décision de passer du stade 1 au stade 3 en quelques heures était inédite. Elle a entraîné un début de panique, notamment à Port-Louis. C'est précisément à ce moment-là que les inondations soudaines se sont produites, occasionnant la coupure de l'autoroute, prise sous les eaux. Il a alors été impossible de sortir de la ville pendant trois heures. Le comité national de crise a alors décrété un confinement de la population à domicile jusqu'au lendemain midi. Entre-temps, cependant, le cyclone était déjà passé.
Quel retour d'expérience peut-on faire de cette séquence ? Tout d'abord, le comité national de crise a pris des décisions qui se sont révélées, rétrospectivement, insuffisantes, au regard des mesures qu'il aurait fallu prendre dès la veille au soir ou le lendemain très tôt. On n'aurait sans doute pas pu éviter la plupart des destructions, mais l'enjeu était de ne pas mettre en péril la sécurité des personnes. Il y a eu clairement une mauvaise évaluation du service météorologique, dont le responsable a d'ailleurs été muté le jour même, lors d'une déclaration en direct du premier ministre mauricien, qui l'a accusé d'avoir induit en erreur le comité national de crise.
Par ailleurs, il y a eu un facteur aggravant, avec une marée haute au moment du cyclone et une haute pression qui a conduit à une élévation du niveau de la mer, aggravée par les vents. Des vagues se sont projetées à l'intérieur des terres, sur les côtes de Port-Louis, ainsi que sur nombre de plages du nord de l'île.
Le troisième point a trait plus généralement à la prévention des risques de catastrophes. Le constat est que les règles d'urbanisme sont insuffisamment contraignantes. On a assisté ces dernières années à la multiplication de bâtiments construits en zone inondable.
Enfin, on constate aussi que les travaux qui devaient être menés depuis la dernière catastrophe, notamment pour multiplier les drains destinés à faciliter l'évacuation et l'écoulement des eaux dans la ville ont pris du retard dans leur réalisation et n'ont pas été menés à leur terme.
En revanche, j'insiste sur le fait que le dispositif de gestion post-crise a très bien fonctionné, lorsqu'il s'est agi de restaurer l'électricité et de dégager les nombreuses routes. Les traces de destruction avaient quasiment disparu du paysage dans les 48 heures qui ont suivi l'événement.
La prévision des trajectoires cycloniques est toujours un exercice difficile, mais le service de météorologie mauricien n'a pas été très performant. Certes, le cyclone n'est pas passé sur Maurice, mais sa puissance, exceptionnelle, a produit des effets à des centaines de kilomètres aux alentours de l'œil du cyclone – donc jusqu'à Maurice. Cet aspect aurait dû être davantage anticipé.
Aujourd'hui, la vie a largement repris son cours, mais cet épisode a eu des conséquences dès la semaine suivante, une nouvelle tempête tropicale menaçant de survoler Maurice. Le comité de crise NEOC a alors décrété une alerte de stade 2, au nom du principe de précaution. La conséquence a été un confinement de la population pendant 24 heures, et une nouvelle polémique a surgi sur le caractère cette fois-ci trop prudent des consignes de vigilance émises.