Le fait que les deux territoires aient des structures démographiques et sociales totalement différentes explique effectivement beaucoup de choses. Ils ont aussi des histoires différentes. Bruno Magras a expliqué qu'il s'était presque occupé tout seul de son code de l'urbanisme ; or il est respecté et les gens respectent les consignes. La petite taille du territoire explique peut-être aussi qu'il soit plus facile à contrôler que celui de Saint-Martin.
À Saint-Martin, au-delà de la structure démographique et sociale, il y a aussi la frontière ouverte avec la partie néerlandaise de l'île, qui permet un flux permanent, impossible à gérer. Par ailleurs, des quartiers entiers sont frappés par une squattérisation vieille de cinquante, soixante, voire soixante-dix ans. Je pense par exemple à la zone des cinquante pas géométriques de Sandy-Ground : un processus de régularisation complexe y est en cours. C'est surtout cet habitat plus ou moins improvisé, construit en dehors des règles strictes d'urbanisme, qui a été impacté par la violence de l'ouragan. Saint-Barthélemy ne connaît pas ce phénomène de squattérisation. Par ailleurs, du fait de son niveau de développement économique, l'immobilier y est beaucoup plus assuré qu'à Saint-Martin, où nombre de personnes ne sont pas assurées et où l'habitat est plus fragile : nombre de toits s'y sont envolés.
En réalité, nous avons eu de la chance de ne pas avoir eu plus de morts, car une grande partie de l'habitat est située sur le bord de l'eau. Dans le village de Quartier-d'Orléans, les habitations, bien que se trouvant au bord du lagon, sont protégées par une importante mangrove : les effets de la submersion marine ont donc été ceux non pas d'une vague destructrice, mais d'une eau qui monte progressivement, à un, deux ou trois mètres, avant de se retirer tranquillement. Les habitants ont ainsi pu nager pour se mettre en sécurité.
D'un point de vue structurel et social, les deux îles sont très différentes. La collectivité en a certainement tiré les leçons. Bruno Magras l'a évoqué, en matière de construction, depuis Irma, les permis de construire doivent intégrer un lieu sécurisé et équipé, où tenir trois ou quatre jours, avec de l'eau et de quoi se restaurer. Cette disposition figure dans les codes de l'urbanisme et de la construction et de l'habitation, qui relèvent de la compétence de nos deux collectivités. Ainsi, tous les nouveaux hôtels comportant deux ou trois étages et situés au bord d'une plage, avec un risque de submersion, ne sauraient être autorisés à construire des chambres au rez-de-chaussée. En outre, obligation leur est faite d'avoir un lieu sécurisé pour les clients. Les règles en matière de construction ont évolué.
Les services qui interviennent en prévention et postérieurement aux cyclones sont également mieux préparés. Le président Magras a indiqué avoir vécu neuf phénomènes cycloniques, entre 1995 et 2017. Pour ma part, à mon grand âge, je n'ai connu que trois phénomènes majeurs : les ouragans Donna en 1960, Luis en 1995 et Irma, qui fut le pire, en 2017. Pendant les périodes intermédiaires, des cyclones moins exceptionnels surviennent tous les deux ou trois ans. La population a donc acquis une certaine expérience et pris l'habitude de se protéger le mieux possible à leur annonce.