Le sujet de l'inclusion numérique est de la plus haute importance. J'avais insisté sur ce point lors de mon discours de passation de pouvoir, puisque nous constatons des problèmes en la matière sur le territoire. Les personnes âgées ne sont d'ailleurs pas les seules concernées : le degré d'exclusion numérique varie selon les catégories sociales. Assurer un accès au numérique au plus grand nombre est une de nos premières missions.
Depuis 2021 nous avons développé le volet « inclusion numérique » du plan France relance, qui a pour objectif de former plus 20 000 aidants numériques sur l'ensemble du territoire. Nous en sommes à un peu plus de 18 000 aidants formés, avec la difficulté de les maintenir opérationnels : ce sont des postes avec une forte rotation, ce qui nous oblige à être en veille pour former sans cesse de nouveaux aidants. En outre, près de 4 000 conseillers numériques sur le territoire ont pour rôle d'accompagner, mais aussi d'autonomiser nos concitoyens. Si l'on ne fait qu'accompagner nos concitoyens sans leur donner les clés pour être complètement autonomes, alors on manque le but. Ces conseillers numériques sont donc là pour former nos concitoyens. Il existe également un partenariat entre l'opérateur de compétences Uniformation et l'Agence nationale de la cohésion des territoires pour financer la formation de personnels du secteur associatif, qui sont en première ligne pour accompagner les publics. Leur formation passera aussi par la poursuite du déploiement d'Aidants Connect, service public numérique permettant aux personnes en difficulté d'accéder aux démarches en ligne.
Mais la question de l'inclusion recouvre aussi, outre le sujet de l'utilisation des outils numériques, celui de l'accès au numérique, et donc de l'aménagement du territoire. Le plan France très haut débit et le New Deal mobile sont essentiels, car le défaut d'accès à une offre de fibre ou de téléphonie permettant de naviguer sur internet crée un sentiment de déclassement très fort parmi nos concitoyens.
On peut se réjouir que la France soit dans le peloton de tête européen en matière de déploiement de la fibre : 84 % du territoire est fibré. Depuis deux ans pourtant, on observait un retard dans le déploiement des infrastructures, qui s'accentuait et devenait inacceptable. L'année dernière, Orange a été sanctionnée pour un retard de déploiement dans la zone dite Amii (appel à manifestation d'intention d'investissement). Des négociations ont été ouvertes par Jean-Noël Barrot, qui ont abouti à l'accord que j'ai pu signer hier à Dunkerque.
Deux options étaient envisageables : sanctionner à nouveau Orange, ce qui aurait ouvert un débat contradictoire empêchant d'accélérer le processus, ou négocier un nouveau cadre permettant d'obtenir de nouveaux avantages pour nos concitoyens et d'élargir la zone. L'accord signé hier nous permettra, en zone Amii, d‘accélérer à nouveau le déploiement, conformément aux engagements du Président de la République : 1 120 000 logements et locaux professionnels devront être fibrés très rapidement, et Orange devra rattraper le retard des cinquante-cinq EPCI que vous avez évoqués avant la fin de l'année – ce qui représente près de 140 000 locaux – de manière à reprendre un rythme normal. Orange n'a pas attendu la signature de l'accord pour avancer et sa directrice générale m'a confirmé hier que depuis juillet 2023, 78 000 locaux sur les 140 000 concernés avaient déjà été fibrés.
Cet accord inclut par ailleurs les zones dites très denses (ZTD). Ces dernières, en raison de l'importance du marché, étaient dérégulées et soumises à la libre concurrence mais on y observait également un ralentissement du déploiement. Certains de vos collègues de la couronne parisienne m'avaient interpellée à ce sujet. Orange, dans le cadre de cet accord, s'est donc engagée à assumer la moitié de l'effort à réaliser pour porter le taux de couverture en ZTD de 92 % actuellement à 96 %. Ce pourrait être aussi de nature à stimuler les autres opérateurs.
Troisième volet de cet accord, plus politique, et bénéfique aussi en matière d'inclusion numérique : une tarification sociale, qui sera maintenue par Orange pour les abonnements à la fibre – de mémoire autour de 15,90 euros. Par ailleurs, certains usagers, plutôt âgés, titulaires d'un simple abonnement téléphonique cuivre rechignent à passer à la fibre par peur d'un surcoût. Orange s'est engagée à maintenir leur tarif inchangé s'ils souscrivent à un abonnement fibre.
Bref, cet accord ne remet pas en cause la complétude de nos installations et permettra d'améliorer l'inclusion numérique pour de nombreux concitoyens.
S'agissant des droits voisins, il existe un cadre spécifique concernant le marquage des productions de l'intelligence artificielle, pour être en mesure d'identifier un contenu produit ou non par une IA. L' AI Act. comporte des mesures qui obligeront les producteurs de contenu à permettre une détection des contenus générés par l'IA. En la matière, les technologies évoluent très vite. Aujourd'hui existe la technique dite des filigranes, ou watermarking, qui consiste en une sorte de tatouage numérique pour différencier les contenus dits synthétiques. Mais les signes visibles ne sont pas toujours robustes : ils peuvent être cassés, et le contenu peut être dupliqué sans marquage. Parmi les nouveaux développements en cours, il y a le marquage cryptographique – qui est lié dans une image aux pixels, ou dans un son à l'empreinte sonore. Mais ces nouvelles technologies propriétaires ne sont pas open source. Un travail pressant nous attend, en particulier pour la création d'un standard, encouragée d'ailleurs à l'échelle européenne par l' AI Act..
La santé est, avec la justice, le domaine sur lequel l'IA générative aura l'impact le plus fort. Nous y portons donc une attention particulière. On observe des développements importants en matière de médicaments ou de chirurgie cardiaque. Plusieurs sociétés françaises proposent déjà des solutions intéressantes et nous souhaitons les accompagner. Mais au-delà se pose évidemment la question des données de santé. Nos modèles d'entraînement de l'IA ont besoin de ces données pour progresser rapidement. Je souhaite que l'accès à ces données soit facilité, mais je comprends aussi la crainte de nos concitoyens en la matière. Un travail fin est à mener sur le sujet, et vous avez dû entendre parler des travaux du Health Data Hub.
Le rapport remis ce matin par la commission de l'intelligence artificielle contiendra sûrement des propositions en ce sens. Si nous parvenons à ouvrir l'accès à ces données, alors se posera la question de leur stockage et de leur protection, qui se fera évidemment par un cloud souverain. La France défend une position singulière sur le sujet, puisqu'elle dispose d'un référentiel en la matière, SecNumCloud, plus sûr que ce que pratiquent nos collègues européens. C'est un référentiel que nous aimerions promouvoir à l'échelle européenne. Des discussions intenses sont en cours avec nos partenaires.
S'agissant des compétences de l'Arcom, cette dernière nous a fait une proposition de référentiel, bientôt soumise à consultation publique, qui contient des mesures propres à l'écologie. Mais, je le répète, je pense qu'il est préférable de ne pas se restreindre à un champ particulier, aussi important soit-il : c'est l'ensemble des fausses informations circulant sur internet qu'il faut traiter.
S'agissant du nombre de modérateurs en français, si les plateformes refusent de communiquer, des sanctions pourront être prises et nous veillerons à leur application. En l'état, les effectifs qui y sont consacrés sont de 226 personnes pour Meta, 687 pour TikTok, 52 pour X et 250 pour Snapchat.