La perception par nos soldats de la reconfiguration de notre dispositif africain est une question essentielle en matière de ressources humaines. Que des jeunes Français s'engagent dans les armées en vue d'être envoyés en opération est une très bonne chose. Par ailleurs, cela correspond à notre modèle d'armée d'emploi. Qui s'y engage sait qu'il peut être désigné pour partir en mission, en Afrique ou ailleurs : au lendemain du Nouvel An, je me suis rendu en Estonie et en Lituanie, où nous déployons des effectifs dans le cadre de missions opérationnelles par des températures de -25 ou -30 degrés, preuve que le soleil n'est pas la seule motivation des jeunes Français qui s'engagent dans les armées ! Les militaires veulent accomplir les missions qui leur sont données. Nous ne les envoyons pas en mission pour les occuper, mais parce qu'il y a des effets à produire.
S'agissant de nos effectifs déployés en Afrique, de façon permanente ou non, leur activité demeurera assez soutenue, au moins parce qu'elle produit des effets – si les gens sont heureux, tant mieux –, et parce qu'elle fait vivre la culture de l'engagement au sein de nos armées, notamment la culture de l'alerte. De ce point de vue, un déploiement d'un mois offre d'autres opportunités qu'un détachement de quatre mois, car il est plus intense, et peut être reproduit plusieurs fois dans l'année.
Telle est la perspective que le Ministre a défendue lors de l'examen de la LPM, et vous nous avez suivis. Vous avez porté une attention toute particulière au maintien de l'activité, qui est cruciale pour nos soldats, Ils ne se sont pas engagés dans les armées pour rester dans leur caserne, dans leur base ou sur leur bateau à quai, mais pour s'entraîner et réaliser les missions qui leur sont confiées. Cela suppose de disposer d'un budget suffisant pour mener des activités. Le soldat est un professionnel, que sa mission peut amener à s'engager un jour pour défendre son pays, ce pour quoi il souhaite s'entraîner et maîtriser le matériel avec lequel il peut être amené à s'engager.
Pourquoi entretenir une armée ? Pour en avoir une le jour où il en faut une. Cette évidence a été perdue de vue, car la guerre s'est éloignée, se réduisant à des interventions à l'étranger. De façon significative, nous rémunérons nos soldats « à l'acte » plutôt qu'en fonction de ce qu'ils sont capables de faire. Or on possède une armée pour ce qu'elle est capable de faire (l'ultima ratio), plus que pour ce qu'elle fait quotidiennement, sauf à considérer que l'armée devient inutile dès lors qu'il ne se passe rien. Nous devons faire évoluer cette perception et le traduire aussi en matière de rémunération, en privilégiant l'indiciaire à l'indemnitaire, le statut du soldat étant avant tout un contrat qui le lie à la nation française.
Nous devons veiller à ne pas laisser croire que l'armée n'offre plus l'aventure. Elle continuera à l'offrir, à un rythme soutenu mais dans des formats modifiés et dans un monde plus divers. Les armées devront toujours être capables de faire ce que l'on attend d'elles en situation de crise ou de guerre.
S'agissant du dispositif, La création de bases communes dépend d'abord de l'accord des pays partenaires, qui seront à la manœuvre pour dire avec qui ils souhaitent travailler. Nous devrons nous entendre avec des pays qui veulent et peuvent en créer, en identifiant une communauté de missions, ainsi qu'avec les pays d'accueil, dans un cadre multi-bilatéral. Une approche politique commune sur les effets attendus des troupes déployées est indispensable. Les complémentarités potentielles sont nombreuses, ce qui nous dispenserait d'agir sur tout le spectre.
En ce qui concerne Djibouti, les négociations visant au renouvellement de notre traité de coopération militaire et de défense sont en cours. Djibouti est un pont entre l'Afrique et le Moyen-Orient.