Je vous remercie, monsieur le directeur général, de vous être exprimé devant notre commission. Nous sommes tous conscients, par-delà nos appréciations divergentes, de vivre un moment charnière dans l'histoire de l'Europe.
Je suis inquiet que la situation, par la faute du pouvoir russe, creuse le fossé entre la Russie et nous, alors que les personnalités russes les plus éclairées prédisaient, après la dislocation de l'Union soviétique, une normalisation politique, économique et commerciale de nos relations et un rapprochement avec l'Europe occidentale.
Dans cette configuration, l'Ukraine et d'autres pays auraient joué un rôle conforme au concept, finalement peu utilisé, de « double voisinage », c'est-à-dire un voisinage avec la Russie, fait de coopération et de neutralité dans le droit fil de ce qui avait été décidé à Budapest, et un voisinage économique et politique avec l'Union européenne, synonyme non pas d'adhésion mais d'association très étroite. Cette option était très intéressante mais la Russie l'a compromise, ce qui s'est traduit par des modifications de nos rapports avec l'Ukraine et des modifications du système de défense occidental avec l'entrée de la Finlande et de la Suède dans l'OTAN.
La quasi-dictature de Poutine enracine la Russie dans une position subordonnée à la Chine et dans des partenariats avec des pays assez peu fréquentables, tels que la Corée du Nord et l'Iran. Il ne s'agit pas d'un Sud global mais de la constitution d'un bloc extrêmement inquiétant, notamment au regard de l'avenir des Républiques d'Asie centrale. Cette configuration n'est pas conforme à l'ordre géopolitique que nous avions souhaité et que Boris Eltsine lui-même, malgré tous ses défauts, avait appelé de ses vœux. Dès lors, nous devons prendre acte de ces nouvelles réalités et souhaiter, comme l'écrit Malraux dans L'Espoir, « que la victoire demeure avec ceux qui auront fait la guerre sans l'aimer ».