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Intervention de Stéphane Delautrette

Séance en hémicycle du jeudi 14 mars 2024 à 9h00
Réduction de l'impact environnemental de l'industrie textile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Delautrette :

En 2023, jamais autant de vêtements n'ont été vendus en France et dans le monde. Ce constat, au premier abord positif, cache en vérité un désastre social et industriel : Camaïeu, San Marina, Pimkie, Kaporal et d'autres enseignes, autrefois fleurons de l'habillement français, ont toutes connu, ces derniers mois, des liquidations judiciaires ou des plans de licenciements massifs laissant sur le côté des milliers de salariés, victimes de l'effondrement de tout un modèle. L'année 2023 est ainsi considérée par beaucoup d'acteurs comme la plus funeste pour l'industrie de la mode française. Ce phénomène n'est malheureusement pas récent. Depuis 1990, plus de 330 000 emplois dans le secteur de l'habillement ont disparu dans notre pays.

Le principal responsable de ce désastre est aujourd'hui bien identifié : l'ultrafast fashion. Ce modèle, basé sur le renouvellement constant des collections et une stratégie marketing poussant à la surconsommation de vêtements, s'est imposé depuis une dizaine d'années dans notre pays, au mépris de nos normes environnementales et sociales. La production de textile à prix bas a en effet des conséquences désastreuses sur le plan environnemental. Elle est une source de pollution des milieux aquatiques du fait des produits chimiques et des déchets plastiques. Par ailleurs, ces enseignes recourent massivement à l'avion pour exporter leurs produits vers l'Europe, alors même que ce mode de transport est vingt fois plus polluant que le bateau. L'impact social du secteur est également désastreux. Si l'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, en 2013, avait provoqué une vaste onde de choc dans notre pays, force est de constater que la production de textile continue d'être localisée principalement dans des pays ne respectant aucune norme européenne en termes de salaires, de conditions de travail et d'utilisation de produits chimiques.

Face à ces constats, il est de notre responsabilité d'agir. C'est pourquoi je me félicite que la représentation nationale puisse légiférer sur ce sujet grâce au travail mené depuis plusieurs semaines par la rapporteure, Anne-Cécile Violland. Si cette proposition de loi est un signal positif envoyé à nos concitoyens et aux entreprises du secteur textile, nous pouvons dès ce matin aller bien plus loin.

Tout d'abord, en fixant des seuils de surproduction, seul moyen de cibler efficacement les enseignes de l'ultrafast fashion et d'amorcer ainsi une transition durable pour l'industrie textile, en nous attaquant directement aux producteurs les moins vertueux.

Sans sanctions fortes, c'est l'ensemble de la proposition de loi qui risque d'être inopérante. C'est pourquoi nous sommes également favorables à l'instauration de pénalités minimales et progressives, afin de décourager les enseignes d'inonder le marché français de produits à l'impact social et environnemental délétère.

Nous plaiderons également pour une plus grande responsabilisation des places de marché et des plateformes, afin que ces dernières ne puissent plus vendre des produits ne respectant pas nos normes en toute impunité.

Enfin, le groupe Socialistes et apparentés proposera de nombreux amendements pour que des critères sociaux soient inclus dans la proposition de loi. Le non-respect des droits humains est en effet la caractéristique principale du modèle de l'ultrafast fashion. Or, si l'écomodulation constitue actuellement un levier intéressant pour pénaliser les entreprises polluantes, rien n'a été pensé pour cibler les entreprises ne respectant pas les droits humains les plus élémentaires. Dans la continuité du combat mené depuis des années par mon collègue Dominique Potier sur le devoir de vigilance, nous plaiderons pour que l'affichage environnemental soit complété par un affichage social, pour permettre aux consommateurs d'être éclairés sur leurs choix.

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