S'il n'y a pas de cultures transgéniques en France, c'est grâce aux mobilisations citoyennes commencées dès la fin des années quatre-vingt-dix. Malheureusement, le problème des OGM n'est pas pour autant derrière nous.
Tout d'abord, nous importons des OGM pour nourrir les animaux issus de l'élevage industriel. 70 % des importations destinées à l'alimentation animale dans l'Union Européenne sont des OGM. Ensuite, certaines cultures OGM, le colza ou le tournesol par exemple, sont cultivées en France dans la plus totale illégalité, alors même que leur génome a été manipulé. Enfin - et c'est l'objet de notre inquiétude actuelle - il est question de déréguler totalement une famille complète d'OGM : les plantes issues des NTG. En 2018, la Cour de Justice de l'Union Européenne a pourtant jugé que toutes les plantes issues des NTG devaient être assimilées à des OGM, et ainsi rester soumises aux mêmes règles strictes les encadrant.
En effet, ces nouvelles techniques génomiques consistent, stricto sensu, à modifier en laboratoire le génome d'une plante, pour en changer les caractéristiques physiques. Nous avions obtenu qu'aucun OGM ne puisse être cultivé sur notre sol, ni être vendu pour l'alimentation humaine. Cette proposition de règlement vient attaquer cet acquis en cherchant à autoriser la culture de plantes issues des NTG.
Pourquoi faut-il s'en inquiéter ?
D'une part, parce que les OGM sont cultivés dans le monde depuis bientôt trois décennies. Comme les OGM, les NTG ne tiendront pas leurs promesses. On nous avait promis l'éradication de la faim dans le monde. Celle-ci sévit encore, et a largement augmenté depuis l'épidémie de COVID-19. On nous avait promis de faire pousser des plantes sans eau : encore un mirage ! D'un côté, on nous répète qu'il n'y a pas d'agriculture sans eau pour justifier la construction de méga-bassines, et de l'autre, on nous promet que les OGM arriveront à pousser sans eau.
On nous avait promis une réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. En termes de surfaces cultivées, 90 % des plantes OGM s'avèrent tolérantes au glyphosate ou ont été modifiées pour créer leurs propres insecticides. Par exemple, le Burkina Faso a autorisé la culture du coton Bt de Monsanto pour rendre ses cultures plus résistantes aux parasites. Dix ans plus tard, le bilan est clair : de nouveaux parasites plus résistants sont apparus dans les champs, et la qualité du coton a baissé. La filière a décidé de revenir aux semences conventionnelles.
D'autre part, parce que les NTG sont une porte ouverte en faveur du brevetage du vivant. Résistance aux parasites, augmentation de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, plus de coûts pour les agriculteurs, les NTG menacent de nous entraîner dans un cercle vicieux. Seules les multinationales tireront leur épingle du jeu puisqu'elles vendront en même temps semences et produits phytopharmaceutiques. C'est la raison pour laquelle Bayer- Monsanto et Corteva soutiennent cette dérégulation des NTG. Pour nos paysans et paysannes, cela signifiera accroître leur dépendance, accroître les coûts, réduire leur reste à vivre. Collectivement, cela signifie accepter l'idée que ce qui devrait rester commun puisse faire l'objet d'une appropriation privée. Plus grave encore : nous acceptons que des multinationales étrangères puissent posséder la condition de notre production alimentaire.
Une telle dérégulation aurait donc des conséquences irréversibles. Premièrement, si des firmes possèdent les brevets des espèces que nous cultivons ; si nous ne pouvons plus semer sans payer un tribut à des entreprises étrangères comment retrouverons-nous notre autonomie agricole et alimentaire°? Deuxièmement, une fois ces nouvelles variétés disséminées dans l'environnement, il sera trop tard. Une fois que les semences NTG se seront hybridées avec nos semences paysannes, et qu'elles auront contaminé notre patrimoine semencier : il sera trop tard. Notre biodiversité agricole sera réduite à jamais.
En présence d'un risque dont les conséquences sont potentiellement irréversibles, il faut appliquer le principe de précaution, qui est inscrit dans notre Constitution comme dans le Traité de fonctionnement de l'Union européenne. Arrêtons de jouer aux apprentis sorciers ! Arrêtons de bricoler avec le vivant !
Nous devons être d'autant plus prudents que la majorité de nos concitoyens sont opposés aux OGM comme aux NTG. Chacun d'entre nous a été interpellé cette semaine par des dizaines de citoyens de sa circonscription, demandant de mieux encadrer les OGM et les NTG. 91 % de la population souhaiterait savoir si les produits alimentaires qu'elle achète contiennent ou non des OGM ou des NTG. Plus de 500 000 personnes ont signé une pétition pour demander la régulation de ces NTG. Pourtant, à ce stade, la proposition de règlement ne répond pas à cette inquiétude des citoyennes et des citoyens concernant l'étiquetage des produits contenant des NTG. De nombreux lobbys défendent l'idée de notre incapacité technique à en assurer le suivi. Les NTG, une fois cultivés, deviendront indétectables. Autoriser les NTG, c'est ainsi bafouer le droit à l'information des citoyennes et des citoyens.
En conclusion, le Parlement et le Conseil peuvent ou non s'entendre sur un texte commun. Deux pays vont jouer un rôle déterminant, au niveau européen, soit pour que les « nouveaux OGM » restent réglementés, soit pour qu'ils soient dérégulés. Il s'agit de la Pologne et de la France. Notre assemblée a donc un rôle crucial à jouer pour continuer de réglementer les OGM, en votant cette résolution.
En tant qu'écologiste, je serais volontiers allée plus loin que la proposition de résolution européenne proposée. En effet, je défends une suspension de toutes les importations d'OGM sur le continent, une meilleure surveillance des OGM introduits illégalement sur le territoire. Toutefois, aujourd'hui, je défends avec mon collègue Stéphane Delautrette, une position de compromis : maintenir la réglementation existante, et à défaut, veiller a minima à l'introduction d'une clause de sauvegarde, c'est-à-dire, la possibilité pour chaque pays d'interdire, sur son territoire, s'il le souhaite, la culture des NTG.