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Intervention de Stéphane Delautrette

Réunion du mardi 27 février 2024 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Delautrette, rapporteur :

Ma collègue, Mme Lisa Belluco et moi-même, inquiets du développement de la législation relative aux nouvelles techniques génomiques (NTG), avions déposé, en janvier dernier, sans nous concerter au préalable, une proposition de résolution européenne visant à éviter la dérégulation de ces nouveaux organismes génétiquement modifiés (OGM).

La proposition de résolution européenne que nous vous présentons, aujourd'hui, résulte, dans un souci de cohérence et d'efficacité, de la fusion, après de nombreuses auditions, dont celles de l'Agence nationale sécurité sanitaire alimentaire nationale (ANSES) et de l'Institut national de la recherche pour l'agriculture (INRAE), de nos deux initiatives parlementaires pour l'élaboration d'un projet commun soutenu par plus de 80 collègues députés, issus de huit groupes parlementaires différents.

En effet, en réponse à un arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne, en 2018, assimilant les NTG à des OGM, la Commission européenne a publié, le 5 juillet dernier, une proposition de règlement visant à réglementer les plantes issues des NTG, dit règlement « NTG ». Par NTG, on entend les nouvelles techniques permettant de modifier l'ADN d'une plante sans avoir à y insérer un gène étranger comme pour les OGM « °classiques° ».

Ce projet de règlement vise à déréglementer ces « nouveaux OGM », en leur offrant un cadre spécifique, particulièrement souple avec pour unique objet de les exclure du champ d'application des directives 2001/18 et 2015/412 régissant l'utilisation des OGM. Ces deux textes, défendus par la France à l'époque, permettent une pleine application du principe de précaution et protègent notre souveraineté agricole.

Pour être cultivé, un OGM doit faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché (AMM), soit d'une analyse de l'évaluation des risques pour la santé ou l'environnement auprès de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). En outre, un État membre peut choisir d'activer « une clause de sauvegarde » (opt-out) pour être exclu de la portée géographique d'une autorisation, donc refuser la culture d'un OGM sur son territoire comme la France l'a décidé sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy pour le maïs transgénique MON810 du groupe Monsanto.

Or la proposition de règlement, en distinguant les NTG de catégorie 1, non soumises à la législation relative aux OGM, des NTG de catégorie 2 qui y resteraient soumises, dans des conditions plus favorables, revient à déréguler les nouveaux OGM sans fonder cette distinction juridique sur des critères scientifiquement admis.

Si je suis favorable à promouvoir la recherche scientifique et les nouvelles techniques scientifiques, notamment lorsqu'elles permettent de répondre à des enjeux d'adaptation au changement climatique ou favorisent de meilleurs rendements, je ne suis pas partisan de jouer aux apprentis sorciers, lorsque des avis scientifiques en provenance d'autorités reconnues, telles que l'ANSES ou l'INRAE soulignent l'absence de consensus scientifique européen pour autoriser une telle dérégulation.

Ainsi, l'ANSES, dans un avis du 29 novembre 2023, conclut que choisir le nombre de 20 modifications maximum pour proposer un critère d'équivalence entre plantes conventionnelles et NTG, ne repose sur aucun fondement scientifique. En l'absence de prise en compte de la taille du génome, ce nombre est défini de manière arbitraire. Par ailleurs, le professeur Yves Bertheau, directeur de recherche à l'INRAE, précise que les qualités supposées des nouveaux OGM ne relèvent, comme pour les premiers OGM, que d'une « économie de la promesse ».

En outre, selon une étude de l'Agence fédérale allemande de conservation de la nature, 94 % des NTG seraient éligibles à la catégorie 1. Selon la même étude, les recherches sur les NTG porteraient davantage sur une amélioration des caractéristiques esthétiques et nutritionnelles des plantes que sur leur capacité de résilience au changement climatique sans avoir pour autant de conséquences positives sur la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Aussi, face à l'absence d'arguments scientifiques montrant les bénéfices d'une telle régulation, nous demandons au Gouvernement de soutenir au prochain Conseil de l'Union une position de rejet du texte dans l'attente de la publication d'un avis scientifique de l'EFSA, attendu en juillet prochain et de la publication d'un second avis de l'ANSES, actuellement sous embargo du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, au mépris de toute transparence. Rejeter le texte aura pour conséquence mécanique de conserver la législation relative aux OGM, plus protectrice tant pour les consommateurs que les agriculteurs.

À défaut, nous demandons a minima au Gouvernement de soutenir, lors des négociations au Conseil de l'Union, les quelques avancées permises lors du vote au Parlement européen, le 7 février 2024, ainsi que l'ajout d'une « clause de sauvegarde », en cohérence avec le principe de précaution afin que la représentation nationale et le gouvernement puissent revenir sur cette décision dans le futur en fonction des avancées scientifiques sur le sujet.

Chers collègues, ne légiférons pas dans l'urgence en l'absence d'un consensus scientifique européen !

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