Intervention de Michel Tsimaratos

Réunion du jeudi 18 janvier 2024 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Michel Tsimaratos, directeur général adjoint de l'Agence de la biomédecine chargé de la politique médicale et scientifique :

. – Vous pointez les aspects les plus prégnants de l'intelligence artificielle. Nous ne sommes pas le seul opérateur sur ces aspects-là. Le plan France Génomique vise à organiser l'ensemble des données qui vont être produites. Nous émettons une alerte sur le fait qu'il ne s'agit plus simplement de données pour faire un diagnostic. Il s'agit de données qui auront un impact exponentiel. Je prendrai un exemple simple. L'analyse de l'exome, c'est-à-dire des parties codantes de l'ADN, peut être faite pour trouver une mutation, par exemple si l'on suspecte une mutation de la mucoviscidose chez le donneur de spermatozoïdes et chez la donneuse d'ovocytes, afin d'être certain qu'il n'y a pas de risque de développement de la maladie. Si l'on analyse l'intégralité de l'exome, on va avoir tout le patrimoine génétique du donneur et tout le patrimoine génétique de la donneuse. On pourrait alors découvrir d'autres éléments. Aujourd'hui, on ne les connaît pas, mais on pourrait découvrir par exemple la présence du gène de susceptibilité à l'Alzheimer. Si l'on détecte ce gène chez une personne de trente ans, plusieurs questions et plusieurs tensions éthiques vont se manifester. Doit-on lui en parler, alors qu'il n'existe actuellement que peu d'actions pour y faire face ? Doit-on mettre en place une politique de prévention ? Doit-on stimuler la recherche pour aboutir à une politique de prévention ? L'ensemble de ces données va donc générer des problèmes, auxquels on n'a pas encore pensé.

Notre travail consiste à alerter et être en mesure d'identifier ces problèmes, non pas pour y apporter une réponse, mais pour stimuler la réflexion en vue d'apporter une réponse. L'intelligence artificielle nous aidera, dans le sens où elle est capable d'automatiser un certain nombre de processus, notamment d'analyse. Je reprends l'exemple du gène de la maladie d'Alzheimer – on est dans la fiction : l'intelligence artificielle pourrait indiquer qu'il n'y a pas chez l'individu concerné de gène de l'Alzheimer, mais que ceux qui ont le gène de l'hypertension artérielle, du diabète ou de l'amylose ont une probabilité plus forte d'exprimer la maladie. On peut donc utiliser des méthodes de calcul d'intelligence artificielle pour accélérer ce que la réflexion humaine des scientifiques faisait. Ceci fait partie des aspects vertueux de l'intelligence artificielle. Un aspect peut-être un peu moins vertueux est le calcul de risque et son utilisation par les assureurs, qui pourraient indiquer qu'ils refusent d'assurer ceux qui cumulent l'ensemble de ces allèles, ou en leur proposant une prime d'assurance qui les décourage.

S'agissant de la PMA, on est bien au courant de toutes les pratiques à l'étranger. La « FIV à trois gamètes » existe sur le plan de la recherche en France. Il n'y a pas de difficulté à imaginer que cette technique passe un jour dans la pratique courante. Aujourd'hui, ceci est réservé à certaines pathologies très particulières, lorsque l'on sait qu'on a besoin d'un ADN mitochondrial un petit peu différent. De la même façon, la recherche sait différencier une cellule ovocytaire en gamète mâle. On n'est pas très loin d'imaginer que l'amélioration de ces techniques permettra un jour de proposer la création d'un embryon à partir de deux ovocytes, mais ce n'est pas aujourd'hui une pratique courante, car elle soulève d'autres enjeux que le seul enjeu scientifique. On est donc en mesure de répondre point par point, par exemple, avec ces FIV avec trois personnes, mais ce sont des réponses absolument spécifiques. Lorsqu'elles ne peuvent pas être faites sur notre territoire, on peut s'expatrier pour les faire. Mais la principale raison de l'expatriation pour des questions de fertilité ne concerne pas ces questions. Il s'agit d'abord du délai d'attente, par exemple pour une femme de 39 ans qui, si elle a deux ans d'attente pour voir son projet mené à bien, aura vu son taux d'efficacité des techniques d'assistance s'effondrer de 15 % à moins de 5 %. Dans ces conditions, pour aller plus vite, il vaut mieux aller en Belgique ou en Espagne, d'autant que la procédure est prise en charge.

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