Le logement intermédiaire répond à un besoin dans certains territoires, mais l'intervention de la puissance publique doit d'abord porter sur les besoins sociaux, qui sont majeurs, et ne doit donc pas avoir pour conséquence de concurrencer le logement social sur le foncier ou sur l'appareil de production. Il ne s'agit pas d'une question de spécialiste : il s'agit simplement d'identifier la demande Parmi les 2,6 millions de ménages demandeurs de logements sociaux, seuls 5 % d'entre eux relèvent du logement intermédiaire. Il ne faut donc pas modifier la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU) dans le sens voulu par le Premier ministre.
Si on regarde plus en détail la réalité des ressources de ces 2,6 millions de ménages, on constate que les trois quarts sont éligibles au logement très social et ne sont donc pas concernés par le logement intermédiaire, ni par le prêt locatif social (PLS), ni même par le prêt locatif à usage social (Plus). Cela aurait pu être le cas si les plafonds des APL étaient encore les mêmes que les plafonds de loyer dans le logement social, mais ils sont déconnectés depuis une quinzaine d'années. Les mesures d'économies dans ce domaine ne remontent pas à seulement à 2017. C'est une question de responsabilité collective : les moyens de l'État – foncier public, défiscalisation, TVA avantageuse sur le PLAI ou sur le Plus – doivent être alloués en priorité aux besoins sociaux – je ne parle pas ici des plus pauvres et des mal-logés, qui nous tiennent particulièrement à cœur, mais des classes populaires et, éventuellement, des classes moyennes inférieures. Dans le débat sur la crise du logement, il y a tromperie sur la marchandise. Il faut d'abord objectiver les besoins afin d'identifier les catégories qui n'arrivent pas à se loger.
À l'issue des travaux du CNR, un consensus s'est dégagé sur la nécessité de faire quelque chose, mais le bon équilibre demande réflexion. Il faut soutenir l'accession sociale, car la demande existe et favorise la sortie du logement social, mais pas dans n'importe quelles conditions. Il faut, par exemple, éviter de favoriser l'achat de logements « pourris » qui deviendront les copropriétés dégradées de demain. Je me méfie du prêt hypothécaire, comme de toute solution de dernier recours visant à donner à des ménages n'en ayant pas la capacité l'accès à la propriété : on l'a fait avec les prêts à trente ans, qui ont conduit à l'achat de logements toujours plus petits ; concernant les prêts hypothécaires, on a vu les effets catastrophiques des conditions de rachat aux États-Unis et en Espagne avec la saisie de logements de millions de personnes. J'appelle donc à la vigilance, qui devra être plus ou moins grande selon l'acteur qui pilotera la démarche.