Les conclusions du CNR peuvent apparaître frustrantes après six mois de réflexion. J'ai travaillé au ministère chargé du logement pendant vingt-huit ans : j'ai vu de nombreux gouvernements s'y succéder et de nombreuses lois être promulguées, sans que les bonnes solutions aient été apportées ; notre tâche consiste à les trouver. Vous avez affirmé qu'une loi de programmation pluriannuelle fixant des objectifs donnerait de la lisibilité : nous partageons ce constat, d'autant que les acteurs ont besoin de retrouver de la confiance. Près de 56 % des ménages possèdent leur logement, dont deux tiers n'ont plus d'emprunt en cours : l'idée n'est pas d'opposer les propriétaires aux locataires, mais de restaurer la confiance pour que ces personnes participent sans crainte à la résolution de la crise du logement dans notre pays : ce chemin est indispensable pour ne pas devoir se tourner vers l'acteur le plus endetté, à savoir l'État.
Les territoires sont différents comme leurs problèmes. Malheureusement, bien que les statistiques à notre disposition soient nombreuses, aucun chiffre ne nous donne une idée précise de ce que nous devrions mettre en place à l'échelle du territoire, alors qu'une grande ambition en matière de logement ne pourrait se concrétiser que par la prise en compte de cette hétérogénéité.
Il faut effectivement utiliser tous les leviers pour faciliter le parcours résidentiel. L'exemple des étudiants montre qu'avant de pouvoir se payer un logement, il faut le trouver. Je constate qu'à Rennes, par exemple, les listes d'attente sont tellement longues que beaucoup d'étudiants auront terminé leur scolarité avant même de pouvoir déposer leur dossier… alors que des étudiants français ayant fait le choix d'étudier à l'étranger trouvent, dans certains pays, un logement dans la journée.
Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui se crispent à l'écoute de l'expression « Zéro artificialisation nette ». Certains territoires disposant de terrains constructibles prévoient de rémunérer leur aménagement grâce au foncier des habitants, alors qu'il arrive que le propriétaire d'un terrain ne revienne sur le territoire que pour signer l'acte chez le notaire. Il est donc souhaitable qu'une part de la plus-value revienne aux collectivités afin de leur permettre de construire des équipements, de mener des travaux de réhabilitation thermique ou d'adapter les logements au handicap ou aux seniors. Il serait dommage que les 125 000 hectares pouvant être artificialisés jusqu'en 2030 ne profitent pas aux territoires.
Afin de construire suffisamment de logements, il faut redonner confiance à ceux qui souhaitent investir, mais qui se tournent aujourd'hui vers des investissements bénéficiant d'une rentabilité plus élevée. Six mois après la conclusion des travaux du CNR, certaines questions devraient pouvoir être remises sur la table. Cette mission d'information rendra bientôt ses conclusions et il faut éviter qu'elles aboutissent aux mêmes frustrations que vous avez pu connaître. Cela doit être l'occasion de faire du logement une priorité, car il concerne le quotidien de chacun et il est bien difficile pour ceux qui sont mal logés, quels que soient leur âge et leur revenu, de se projeter.
Vous avez parlé de quatre ou cinq priorités. Quelles sont celles qui sont suffisamment mûres pour être consensuelles ?