Nous n'avons pas réalisé le même travail que celui que vous avez effectué sur les PLH et qui me semble très intéressant ; en revanche, l'Union sociale pour l'habitat (USH) a procédé à une addition proche de la vôtre. Lors du CNR, l'exécutif nous a dit qu'il fallait cesser de fixer des objectifs nationaux ; néanmoins, ceux-ci peuvent se révéler utiles pour soutenir une stratégie ambitieuse, d'autant qu'il reste indispensable d'identifier les besoins dans les territoires – dans ce domaine, le PLH est d'ailleurs un outil de qualité.
S'agissant du mal-logement, le surpeuplement, dont la diminution était un signe de modernité, est reparti à la hausse dans les secteurs tendus, à cause d'une augmentation des prix bien supérieure à celle des revenus des ménages. Les personnes sans domicile, sans abri ou contraintes de rester dans des logements indignes, mais chers, sont nombreuses : les exemples les plus catastrophiques se trouvent à Marseille, comme l'a montré le rapport de Christian Nicol qui évaluait à quarante mille le nombre de ménages contraints d'acquitter des loyers élevés pour des logements qui ne devraient pas être mis sur le marché. Faut-il intégrer toutes les dimensions du problème ou se contenter de l'élément démographique ?
On a l'impression qu'une rationalisation a posteriori s'est imposée, consistant à dire qu'il ne fallait plus construire, mais rénover. Véronique Bédague et moi-même l'avons dit au CNR, devant la Première ministre d'alors et les ministres : il serait erroné de choisir entre les deux ; ce serait comme choisir entre la lutte contre les mauvaises conditions de logement des personnes âgées et celles des jeunes, alors qu'il faut évidemment agir dans ces deux domaines. La rénovation constitue un chantier majeur pour lequel nous avons formulé des propositions très fortes lors du CNR – ce thème était celui de l'un des trois grands groupes de travail dont vous avez pu lire les conclusions. Si l'on s'en tient à une analyse macroscopique, il est possible d'épouser le raisonnement de la direction générale du Trésor et de se contenter de mobiliser les trois millions de logements vacants ; sans même compter la vacance frictionnelle, il est patent qu'une telle approche manque de pertinence : ainsi, le département le plus affecté par la vacance de logements est le Cantal, où les besoins sont faibles.
Une approche sérieuse consiste à étudier, comme vous l'avez fait, les PLH : les acteurs locaux connaissent les besoins, ils consultent les acteurs économiques, ils analysent la liste des demandeurs de logements sociaux, ils observent les demandes de desserrement, ils prennent en compte les capacités foncières, etc. Nous voulons du sérieux… mais nous ne souhaitons évidemment pas nous substituer au Parlement, à l'État ou aux spécialistes.
Le sujet du foncier a fortement émergé : je n'aurais jamais pensé, en tant que délégué général de la fondation Abbé Pierre, pouvoir autant discuter de cette question avec tous les acteurs et parvenir à nous accorder sur la nécessité d'en faire le premier thème à aborder devant la Première ministre. Il ne s'agit pas d'être confiscatoire, mais d'appréhender tous les aspects, comme ceux de la plus-value, du partage, de l'aménagement du territoire et du bien commun – dans certains pays, le terrain n'appartient pas à la personne qui a fait construire sa maison dessus, parce qu'il servira peut-être à un autre usage dans cent ans. Nous avons demandé la création d'une mission visant à affiner les modalités de densification possibles : certains travaux montrent que 70 % à 75 % seulement du niveau de densification autorisé par le plan local d'urbanisme (PLU) est atteint dans la construction : c'est dommage ! Dans certains pays, la loi impose d'arriver à 100 % : voilà un levier ! Il est indispensable d'ouvrir la réflexion à ce sujet.
Nous avons également proposé d'instaurer une fiscalité incitant à la libération du foncier non bâti, alors que le système actuel rend avantageuse sa conservation par son propriétaire.
Le bail réel solidaire (BRS) recoupe la question de la construction, celle de la maîtrise du foncier à travers la dissociation de celui-ci et du bâti, et celle du rachat, en vue de les restaurer, de logements souffrant, par exemple, d'un mauvais diagnostic de performance énergétique (DPE). Cela ne suffira certes pas à répondre à notre première préoccupation, qui est de produire davantage de logements adaptés aux besoins de nos concitoyens, en soutenant les maires bâtisseurs et les investisseurs institutionnels : il faudra trouver les bons équilibres, mais agir en ce sens est indispensable. Une mission, qui pourrait être parlementaire et qui devra s'appuyer sur des comparaisons internationales, serait bienvenue, puisque des acteurs peu habitués à travailler sur ce registre ont ouvert la porte à cette réflexion.