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Intervention de Sabrina Sebaihi

Réunion du mercredi 28 février 2024 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabrina Sebaihi :

De nombreux acteurs concernés nous ont fait part de l'étonnement et de l'inquiétude que suscite la proposition de loi. En son cœur se trouve l'obligation d'obtenir un diplôme pour enseigner la danse, soit une obligation de résultat. Qu'en est-il de l'obligation de moyens ? Quel sera le coût de la formation ? Toutes et tous pourront-ils y accéder ? Comment ne laisser personne au bord du chemin, quand le coût du diplôme atteint allègrement 5 000 euros ? Réviserez-vous les conditions d'entrée dans les formations au professorat de danse ?

Les conditions de dispense d'obtention du diplôme sont floues. Quels organismes seront chargés d'examiner les demandes ? Outre la barre symbolique de quatre ans de pratique que vous avez définie, quels seront les critères ? Pourquoi, d'ailleurs, avoir choisi cette durée après la crise sanitaire liée au covid, qui a particulièrement affecté le secteur artistique ? Vous avez décidé de reconnaître spécifiquement le diplôme d'État de professeur de danse : qu'adviendra-t-il des professeurs déjà diplômés par des écoles existantes ? Devront-ils, eux aussi, s'acquitter d'une somme non négligeable pour valider leurs acquis, en repassant devant un jury ? Comment seront sélectionnés les examinateurs et les professeurs des nouvelles spécialités ? Dans le milieu du hip hop, par exemple, il est nécessaire d'être reconnu par les pairs et formé par eux. Quelles écoles obtiendront le label les autorisant à délivrer le nouveau diplôme ? Pensez-vous que chaque discipline, notamment les danses régionales et traditionnelles, pourra donner lieu à la même formation et au même encadrement ?

En réalité, ce texte brouillon donne l'impression de n'avoir été travaillé qu'avec les seules structures favorables au projet – pour ne pas dire la seule. Le hip hop, pour ne citer que cette discipline que votre proposition de loi étouffera, est majoritairement pratiqué par des jeunes, souvent issus de classes populaires. Parfois déscolarisés, ils trouvent dans la danse une voie et un moyen d'être valorisés. Comment leur imposerez-vous un suivi et l'obligation d'obtenir un diplôme en trois ans ? Comment les accompagnerez-vous dans une procédure administrative hors normes ?

Votre texte contient de bonnes propositions, en particulier s'agissant du contrôle d'honorabilité. Comme dans le sport en général, les professeurs de danse qui se rendent coupables de violences sexistes et sexuelles doivent être durement sanctionnés, particulièrement lorsque les victimes sont mineures. Je pense à celles de Julien Vincent, en Guadeloupe, et à Yanis Marshall, qui a eu le courage de témoigner contre le chorégraphe de l'émission « Popstars ». Avant d'envoyer plus d'élèves dans des écoles et des conservatoires, ne faudrait-il pas faire le ménage ? Il faudrait en priorité enquêter sur le harcèlement psychologique que certains professeurs de danse exercent sur leurs élèves mineurs, apprenant parfois à des petites filles de 10 ans à se priver de nourriture et à souffrir pour valider leurs niveaux, formant de futurs adultes détruits par des troubles alimentaires compulsifs.

Les membres du groupe Écologiste-NUPES ne sont donc pas favorables à cette proposition de loi. Elle ne résout pas les problèmes qui se posent réellement au milieu de la danse. Pire, elle risque de détériorer des pratiques qui fonctionnent bien, comme le hip hop. Nous sommes en France : enfermez la liberté à double tour, elle sortira par la fenêtre.

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