Intervention de Sabrina Sebaihi

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2024 à 9h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabrina Sebaihi :

On dénombre en France 600 000 habitats indignes et 4 millions de mal-logés ; 5 000 demandes d'hébergement par jour en moyenne sont refusées par le Samu social.

Chaque jour, des milliers de familles à la rue souffrent du froid ; chaque jour, des milliers d'enfants tombent malades à cause de l'humidité de leur logement ; chaque jour, plus de 2 millions de Français sont en attente d'un logement social.

Derrière ces chiffres, il y a des vies, des chemins brisés par la crise du logement, qui prive nos concitoyens de perspectives d'avenir. Le nombre de Français fragilisés par la crise du logement se compte en millions : ils sont 14,6 millions.

Le texte que nous examinons, loin d'être parfait, a le mérite de poser enfin dans le débat une des solutions concrètes permettant de résorber, en partie, la crise du logement.

Je suis élue dans les Hauts-de-Seine. En Île-de-France, les délais pour obtenir un logement social tutoient la décennie. Dix ans d'attente, et 4,5 millions de mètres carrés de bureaux vides.

Face à cela, nous avons vu quelle était la priorité de celui qui est désormais ministre du logement : son indigne loi anti-squat. Le cap était donc déjà connu. Nous n'avons donc pas été surpris par l'annonce du détricotage de loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU)par Gabriel Attal lors de son discours de politique générale. Alors même que nous ne nous attendions à rien, nous avons quand même été déçus.

Nous sommes évidemment favorables à la transformation des bureaux vides en logement : dire oui, pour nous, relève du bon sens à l'heure de la pénurie de logements, de l'humanité dont nous devons faire preuve envers les millions de personnes précaires. Cependant, nous disons : oui, mais.

Oui, mais avec des engagements concrets pour les communes. Le texte propose d'assujettir les opérations de transformation de bureaux en logements à la taxe d'aménagement versée aux communes. Cette taxe est légitime car elle permettra aux collectivités de faire face à l'afflux de nouveaux habitants en construisant des services et des équipements publics. Le Gouvernement renoncera-t-il à supprimer ce dispositif qui viendrait soulager les communes, exsangues du fait de la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et de la suppression de la taxe d'habitation ?

Oui, mais avec des engagements concrets pour l'urbanisme. Si les normes environnementales sont différentes entre les locaux selon que leur usage est professionnel ou privé, comment veillera-t-on à ne pas créer des copropriétés dégradées à la chaîne, ce qui se produira si les normes ne sont pas respectées ?

Oui, mais avec des engagements concrets pour la mixité sociale. Serait-il logique de transformer des bureaux en logements privés dans les communes récalcitrantes à la loi SRU ? En ce sens, plusieurs de nos collègues ont déposé des amendements visant à imposer des logements abordables particulièrement dans les communes en carence de logements sociaux.

Oui, mais sans déresponsabiliser l'État. Moins de 290 000 logements ont été mis en chantier en 2023, alors qu'existe un besoin annuel de plus de 500 000 logements. Un simple texte de loi ne suffira donc pas à résorber cette crise devenue structurelle.

Nous voterons ce texte, si le Gouvernement consent, au moins, à retirer l'amendement de suppression de l'article 2 instaurant la taxe d'aménagement pour les opérations transformant les bureaux en logement. J'ajouterai, enfin, qu'il est assez cynique de prévoir d'étudier cette taxe dans le projet de loi de finances pour 2025 alors même que le ministre des comptes publics a annoncé hier 20 milliards d'euros d'économies sur ce même budget. Vous nous excuserez de douter de votre bonne foi, alors que vous avez déjà annulé 737 millions d'euros sur la mission "Cohésion des territoires " au titre des 10 milliards d'économies décidées le mois dernier.

Le mot d'un célèbre écrivain espagnol pourrait résumer votre politique du logement : « Il y a des gens qui n'ont que la façade […]. L'entrée sent le palais, et le logement la cabane. »

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