Je suis très heureux d'être parmi vous pour l'examen de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, qui est aussi le premier texte de loi sur lequel j'interviens à l'Assemblée nationale en tant que ministre.
Après le vote en première lecture au Sénat, la semaine dernière, du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement – texte qui, je le rappelle, avait été largement adopté par l'Assemblée nationale –, nous avons aujourd'hui l'occasion d'ajouter une nouvelle pierre à l'édifice que nous voulons bâtir ensemble pour répondre à la crise du logement. En effet, cette proposition de loi défendue avec force, avec conviction et avec pugnacité par le rapporteur Romain Daubié, dont je souhaite saluer l'engagement et le travail, répond à un réel besoin identifié dans certains territoires. Elle fait œuvre utile en accroissant l'offre alors que le marché est bloqué et vise, de manière pragmatique et ciblée, à lever des freins bien identifiés pour accélérer, financer et simplifier la transformation de bureaux en logements.
Conformément à la volonté exprimée par le Président de la République de prendre des mesures d'exception pour produire plus rapidement des logements et à celle du Premier ministre d'accélérer et de simplifier toutes les procédures en la matière, cette proposition de loi vise à créer un choc d'offre à son niveau. En cela, elle s'inscrit pleinement dans la feuille de route présentée par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale : de l'offre, de l'offre et encore de l'offre.
Elle s'inscrit également dans la continuité de l'action des gouvernements et de notre majorité depuis 2017, puisque Julien Denormandie, alors secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires avait, dès 2018, signé avec les principaux opérateurs une charte visant à transformer 500 000 mètres carrés de bureaux en logements, ce qui nous a permis de produire 470 000 mètres carrés de logements entre 2018 et 2020. Il nous faut désormais industrialiser et accélérer ces opérations, pour qu'elles contribuent pleinement au choc d'offre que nous appelons de nos vœux.
Je mesure ma responsabilité et celle du Gouvernement car il s'agit d'apporter des réponses concrètes et opérationnelles à la crise du logement. Car, oui, nous partageons le même constat : nous vivons une crise du logement profonde et multifactorielle. Les consultations que je mène avec l'ensemble des acteurs du logement depuis ma nomination, les remontées du terrain et celles des parlementaires de tout bord vont dans le même sens. Il est urgent d'agir. Il est urgent de passer de la réflexion à l'action pour déverrouiller ensemble le marché. Or cette proposition de loi contribuera à renforcer l'arsenal dont nous disposons pour répondre à la crise du logement.
Alors que nos concitoyens rencontrent toujours plus de difficultés à se loger à proximité de leur lieu de travail, en particulier dans les zones tendues et dans les grandes métropoles, les changements d'habitudes de travail nous offrent de nouvelles occasions d'aménager le territoire et de repenser les villes.
Le développement du télétravail et le recours croissant à de nouvelles pratiques telles que l'organisation dite en bureau flexible ont modifié en profondeur le fonctionnement des entreprises et notre rapport à l'espace et au temps. Le télétravail est désormais une pratique courante et plébiscitée : selon la Banque de France, 15 % des salariés y ont désormais recours régulièrement, alors qu'ils n'étaient que 3 % en 2019. Conséquence directe de ces nouvelles pratiques, le taux d'occupation des bureaux a diminué de 5,4 % en deux ans, augmentant le taux de vacance dans des zones souvent très densifiées et tendues.
À l'heure où des files d'attente se forment à Paris pour visiter un appartement mis en location et où les usages changent, comment pouvons-nous laisser vacants 4,5 millions de mètres carrés de bureaux en Île-de-France ? À l'heure où des salariés peinent à se loger à proximité de leur lieu de travail, comment pouvons-nous laisser des bâtiments entiers vides et inoccupés ?
À l'heure où les chiffres de la construction de logements atteignent un niveau historiquement catastrophique, comment pouvons-nous accepter qu'il faille cinq ans, sept ans, voire dix ans pour l'aboutissement un projet, alors que la France fait face à un besoin immédiat et qu'elle dispose de tous les talents nécessaires pour construire rapidement ? Enfin, à l'heure où nous faisons de la transition écologique une priorité politique, comment pouvons-nous accepter qu'il soit plus facile et plus rentable de détruire des bureaux vides pour reconstruire des logements à leur place que de transformer le bâtiment ?
Loin d'être une fatalité, cette situation nous offre l'occasion de remettre rapidement des logements sur le marché pour répondre à la crise, tout en respectant nos objectifs en matière de transition énergétique et de mixité sociale. Pour ce faire, la proposition de loi promeut des actions fortes et opérationnelles.
Premièrement, elle simplifie les normes et lève plusieurs freins bien identifiés. Grâce à l'article 1er , nous gagnerons jusqu'à douze mois sur la durée des projets en évitant de les soumettre à une procédure pour déroger au PLU. Les articles 6 et 7 faciliteront la transformation en logements des bureaux en copropriété en abaissant les majorités de vote nécessaires. Enfin, l'article 5, en aidant le Crous à produire davantage de logements étudiants, aura pour effet d'accélérer et d'encourager la transformation de bureaux en logements étudiants. Ce dernier sujet nécessite une vision globale qu'incarne notamment le plan pour le logement des étudiants présenté par le Gouvernement le 1er décembre 2023 et dont j'assure désormais le suivi. Il vise à produire 30 000 logements abordables de plus en trois ans, à destination des jeunes, grâce à la mobilisation de tous les territoires, des universitaires, des élus, des préfets, des recteurs et des présidents d'université. Ce plan concrétise aussi notre soutien à tous ceux qui produisent, en simplifiant leurs démarches pour leur permettre d'aller plus vite.
Deuxièmement, la proposition de loi est essentielle en ce qu'elle sécurise les investisseurs. Je pense en particulier à l'article 4, qui crée un permis multidestination, poussant encore plus loin un modèle retenu pour les Jeux olympiques (JO). Ce permis constitue une innovation majeure, car il permettra au porteur de projet de modifier la destination du bâtiment sans qu'il lui ait été nécessaire d'en prévenir la commune au moment du dépôt du permis de construire, et ce autant de fois qu'il le souhaitera. Sachant que le logement est l'un des actifs immobiliers qui résiste le mieux à la crise, je crois que ce dispositif peut rassurer tous ceux qui souhaitent continuer à investir et à augmenter durablement l'offre de logements dans certains territoires.
Troisièmement, la proposition de loi pose la question de l'accompagnement des élus bâtisseurs. En commission, le projet urbain partenarial a été proposé. Cet outil partenarial est particulièrement adapté pour les collectivités dotées d'ingénierie, capables de négocier avec le porteur de projet. En parallèle, le rapporteur a souhaité réfléchir à l'opportunité de mettre un levier fiscal, la taxe d'aménagement, à la disposition des élus. Il a accompli pour cela un travail technique considérable que nous souhaitons poursuivre avec lui dans les mois à venir, dans l'espoir d'aboutir à une solution peut-être plus ambitieuse encore, qui permettrait non seulement d'encourager les maires à transformer les bureaux de leur commune en logements, mais aussi d'équilibrer financièrement ces opérations encore trop onéreuses. C'est pourquoi j'émettrai une réserve et un avis de sagesse sur les deux articles fiscaux qui, bien que nécessaires et utiles, ne me semblent pas, à ce stade, répondre entièrement aux multiples enjeux de financement des élus et des opérateurs ; bien sûr, nous aurons l'occasion d'en débattre tout à l'heure.
Vous l'avez compris, le Gouvernement soutient clairement cette proposition de loi, car elle s'inscrit pleinement dans le cadre d'une réponse globale à la crise du logement que subissent nos concitoyens. Elle constitue un levier de transformation pour un secteur en crise, un levier de régénération des espaces urbains et un levier de production de logements pour tous les Français qui en ont besoin. Je dirais même qu'elle constitue une brique supplémentaire, nécessaire à la construction d'une véritable politique du logement.
Pour conclure, je forme le vœu que nous puissions avoir un débat éclairé et serein sur ce texte, et le vœu que nous puissions dépasser les clivages politiques pour répondre à la crise du logement, texte par texte, pour bâtir l'avenir de notre pays. Je peux vous assurer que, s'agissant de ce texte comme des suivants, je souhaite avancer de manière pragmatique, opérationnelle et transpartisane pour apporter des réponses concrètes à nos concitoyens qui n'arrivent plus à se loger correctement. J'y mettrai toute mon énergie et toute ma détermination.