Intervention de Romain Daubié

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2024 à 9h00
Discussion d'une proposition de loi — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRomain Daubié, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé du logement, mes chers collègues, nous allons étudier ma proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements. C'est pour moi une fierté de vous présenter ce texte mais aussi une lourde responsabilité, tant le secteur du logement est actuellement à la peine.

Je souhaiterais tout d'abord remercier pour leur contribution l'ensemble des collègues avec qui j'ai travaillé, dont le président Jean-Paul Mattei, ainsi que les acteurs que nous avons auditionnés et les collègues de tous bords qui se sont reconnus dans ce texte. Il est transpartisan et le restera.

Je n'ai pas la prétention de penser que cette proposition de loi répondra à elle seule à la crise du logement que nous traversons mais j'ai la conviction qu'une crise plurielle appelle des solutions plurielles. Notre assemblée examine depuis plusieurs semaines des textes proposant des réponses à cette crise, souvent dans un esprit de consensus : après l'encadrement des locations saisonnières ou la lutte contre les copropriétés dégradées, nous traitons de la transformation des bureaux en logements, qu'il convient de faciliter.

Nous sommes partis d'un constat simple : les logements manquent alors qu'il n'y a jamais eu autant de bureaux vides, notamment en raison du développement du télétravail. Pour la seule Île-de-France, les surfaces disponibles s'élèvent à 4,5 millions de mètres carrés.

Transformer les bureaux vacants en logements correspond aussi à une nécessité écologique : le secteur résidentiel représente 17 % des émissions de gaz à effet de serre. Reconvertir des bureaux en logements sans passer par des opérations de démolition-reconstruction, fortement émettrices de gaz à effet de serre et génératrices de quantités importantes de déchets, relève du simple bon sens. Cette reconversion contribue, en outre, à la lutte contre l'étalement urbain : grâce à elle, nous consommerons moins de terrains agricoles ou naturels.

M. le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a également affirmé sa volonté de favoriser la transformation de bureaux en logements, objectif que nous partageons. Des mesures ont déjà été prises pour faciliter cette reconversion, notamment dans la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Elan : il y a eu l'instauration d'un bonus de constructibilité de 30 %, l'autorisation d'occupation temporaire de locaux de bureaux vides à des fins d'habitation ou encore la création de la notion d'immeuble de moyenne hauteur.

Nous devons aller encore plus loin et c'est tout l'objet de cette proposition de loi, qui repose sur quelques principes simples. Le premier est la liberté locale : la transformation de bureaux en logements ne peut pas se faire sans les élus locaux car ce sont eux qui connaissent le mieux leurs territoires.

Le deuxième est la prise en compte de l'ensemble des territoires, au-delà des seules métropoles. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, la vacance des bureaux ne touche pas que l'Île-de-France et ces mesures facilitant la transformation des bureaux en logements doivent pouvoir s'appliquer partout, sans qu'aucun territoire ne soit laissé de côté.

Le troisième principe – et le plus important – est le caractère transpartisan de ce texte : sa rédaction initiale était déjà le fruit d'un travail commun et il a été cosigné par des députés appartenant à des groupes différents. En commission, il a été enrichi par différentes dispositions venues de groupes de la majorité comme de l'opposition. Plusieurs amendements déposés en séance, issus de nos discussions, viendront apporter des précisions. Je remercie mes collègues pour leur contribution et pour le débat de qualité qui a nourri notre réflexion. Je remercie également tous les députés qui ont soutenu le texte jusqu'à aujourd'hui. Nous arrivons en séance avec un mandat fort, puisque cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité en commission.

J'en viens au détail des articles. L'article 1er donne davantage de souplesse aux élus locaux. Les règlements des plans locaux d'urbanisme (PLU) et des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI) comportent, parfois des zonages empêchant la transformation de bureaux en logements. Ces restrictions sont souvent justifiées : une zone entièrement commerciale, située en périphérie et mal desservie par les transports, ne conviendrait pas à l'accueil de nouveaux habitants. Toutefois, il arrive que les zonages ne soient plus adaptés aux évolutions de l'environnement urbain et qu'ils bloquent des projets engagés par le maire pour transformer certains quartiers. Le discours de politique générale du Premier ministre m'a permis de constater que nous partageons l'objectif de lever les contraintes sur les zonages et j'en suis heureux.

Dans l'attente de futures mesures, l'article 1er de ma proposition de loi vise à permettre à l'autorité compétente en matière de permis de construire de déroger au PLU en tenant compte de la nature du projet et de la zone d'implantation.

En commission, nous avons déjà élargi cette possibilité à l'ensemble des communes couvertes par un PLU ainsi qu'à la transformation des locaux affectés aux administrations publiques. Plusieurs collègues nous ont toutefois alertés à propos d'un risque de contournement du dispositif par les communes ayant délégué leurs compétences en matière de délivrance de permis de construire et de plans locaux d'urbanisme. Les amendements déposés sur ce sujet par nos collègues Thibault Bazin et Inaki Echaniz, s'ils étaient adoptés, consolideraient utilement l'article 1er .

J'en viens à la taxe d'aménagement. Je le sais, les dispositions des articles 2 et 3 soulèvent certaines interrogations. Je tiens d'abord à rappeler qu'elles ne soumettent pas automatiquement les opérations de transformation de bureaux en logements à la taxe d'aménagement. Elles offrent seulement la possibilité aux collectivités territoriales d'appliquer cette taxe, ce qui constitue une différence fondamentale. Qui, ici, refuserait de faire confiance aux élus locaux ? Personne, je le pense.

Le risque d'une double taxation a été aussi évoqué. Il faut bien voir, chers collègues, que la transformation de bureaux en logements nécessite des travaux en profondeur qui modifient la structure du bâti : l'opérateur qui les réalise, distinct de celui qui a construit le bâtiment, crée une nouvelle valeur économique et une nouvelle valeur d'usage. Il ne saurait être question de double taxation du même actif puisqu'une transformation totale est intervenue. Référons-nous aux opérations de démolition-reconstruction pour lesquelles la taxe d'aménagement s'applique alors qu'elle a déjà été perçue au moment de la construction. Pourquoi ne parle-t-on pas, dans ce cas, de double taxation ? Pour la transformation des bureaux en logements, adopter le raisonnement de la double taxation amènerait finalement à donner une prime à la démolition-reconstruction, ce que j'aurais beaucoup de mal à défendre eu égard aux objectifs de transition écologique que nous avons la responsabilité d'atteindre. Je veux être clair : les dispositions de cette proposition de loi n'augmentent en aucun cas les impôts pour nos concitoyens.

On entend encore qu'il faudrait réserver les dispositions fiscales aux lois de finances. Cette règle peut paraître justifiée mais l'adoption récente de la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue nous a montré que, lorsque la nécessité d'agir est impérative, cette dernière doit l'emporter sur les usages. Monsieur le ministre, il faut savoir faire des exceptions !

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