Intervention de Éric Vidalenc

Réunion du jeudi 25 janvier 2024 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Éric Vidalenc, membre du comité Éthique et société de l'Andra, expert des sujets de prospective et d'énergie :

La question de l'invisibilité concerne selon moi notre dispositif énergétique au sens large. Globalement, nous organisons depuis des décennies l'invisibilité de nos systèmes techniques, en enterrant les câbles, les réseaux, en important toutes nos énergies primaires fossiles (pétrole, gaz, charbon) et notre uranium. En réalité, la matérialité de notre mode de vie ne se voit pas. Le nucléaire s'inscrit dans cette logique et ne constitue pas vraiment une exception. Il est plutôt le symbole d'une démarche générale.

Or la transition énergétique et écologique conduit souvent aujourd'hui à rendre visible l'invisible, en installant dans nos paysages des milliers d'éoliennes, de panneaux solaires, d'unités de méthanisation. La question de l'invisibilité doit selon moi être prise très au sérieux si l'on veut traiter concrètement la transition écologique et plus particulièrement les déchets nucléaires. Pourquoi ne suis-je pas d'accord avec la représentation consistant à installer de petits cubes sur le Vieux Port ? Je trouve que les notions de réversibilité et de récupérabilité y sont totalement occultées, alors qu'elles sont centrales dans le projet Cigéo. Comment représenter, dans cette installation, les choix proposés par l'Andra pour mettre en place cette réversibilité et cette récupérabilité ?

Je ne considère pas la convention citoyenne comme l'alpha et l'oméga de la démocratie demain. Je pense toutefois que certaines questions se posent aujourd'hui à la représentation nationale. Prenons l'exemple des catégories socioprofessionnelles : quelle est la part d'ouvriers et d'employés sur les bancs du Parlement ? Elle est ridicule par rapport à la part qu'ils occupent dans la société. Imaginez un débat sur la taxe carbone : les CSP plutôt aisées, qui ne sont pas prisonnières de la voiture au quotidien, penseront qu'il s'agit plutôt d'une bonne manière de mettre en place le principe pollueur – payeur. Mais si l'on entre dans le quotidien de personnes aux revenus plus modestes, qui sont de surcroît plus dépendantes de certains modes de déplacement, alors on envisage différemment la situation. Accorder une place à une représentation différente de la société me semble important et peut être le fait d'une convention citoyenne. Cela doit selon moi s'inscrire clairement dans les institutions et les processus décisionnels. Le fait de se prêter à ce genre d'exercice devrait même peut-être devenir obligatoire pour les citoyens tirés au sort, comme cela est déjà le cas pour les jurés de cour d'assises, qui sont indemnisés pour le temps consacré à cette tâche.

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