Depuis les années 1970, la situation a beaucoup évolué en termes de communication, d'information et d'éloquence. Si nous avons été bluffés par l'exposé de M. Torbey, c'est non seulement parce qu'il maîtrise son sujet, mais aussi parce qu'il a la capacité à faire passer des messages. Or nous constatons souvent que les gens ne sont pas intéressés par des sujets techniques, complexes et pratiquent le zapping de façon bien plus importante aujourd'hui que dans les années 1970, où il n'y avait que deux chaînes de télévision et où internet et les téléphones portables n'existaient pas. Cette accélération du temps et de la vie fait que les gens prennent facilement pour argent comptant la première vidéo ou le premier article sur lequel ils tombent, sans chercher à approfondir la question.
Cette difficulté ressurgit sur notre travail de parlementaires, dont je rappelle qu'il ne consiste pas à être spécialistes de tous les sujets. Nous ne sommes pas des experts de ces questions, mais sommes en revanche habilités à entendre des spécialistes et à nous forger un avis sur la base de leurs interventions. C'est la raison pour laquelle nous organisons, dans le cadre de l'élaboration de rapports ou du vote de lois, des auditions qui doivent nous apporter divers éclairages nous permettant par la suite de nous forger notre propre opinion.
L'une de mes interrogations porte sur la constitution de la convention citoyenne. Pour être très franc, je n'apprécie pas beaucoup cette modalité de débat. Toutes les études d'opinion s'effectuent sur la base de quotas. Or les tirages au sort servant à désigner les participants à une convention citoyenne ne répondent pas aux règles d'échantillonnage utilisées et reconnues en statistiques. Le groupe des citoyens ainsi constitué n'est donc pas représentatif de la population.
Le deuxième élément insatisfaisant dans ce processus relève de la faute politique : indiquer que l'on va prendre pour argent comptant le résultat des réflexions de la convention citoyenne revient à nier le régime parlementaire dans lequel nous sommes censés évoluer. A priori, il n'appartient pas au président de la République, et encore moins à une convention citoyenne, de décider quoi que ce soit. Nos institutions ne prévoient pas cela. Ceci me choque. Je suis favorable à l'ouverture et à la concertation. J'ai été élu maire voici une dizaine d'années et vois comment les choses progressent en matière de consultation des citoyens sur le terrain, sur tous les sujets. Néanmoins, ces dispositifs ne valent pas décision automatique. Procéder différemment constitue selon moi une grave entorse au processus démocratique dans notre pays.