Je suis chercheur dans le domaine des changements climatiques et souhaite vous faire part ici de mon regard de béotien sur la question du nucléaire et sur le PNGMDR, que j'ai lu attentivement.
Je trouve tout d'abord que ce document pâtit d'un manque de problématisation du sujet. Le document aborde assez rapidement les aspects techniques, si bien que le lecteur extérieur manque d'éléments sur les enjeux énergétiques et les principaux problèmes soulevés. La situation est d'autant plus bizarre qu'il s'agit d'un PNGMDR bâti à partir d'une loi énergétique obsolète.
Le contenu est passionnant. J'aurais toutefois apprécié de disposer de davantage d'informations sur les colis bitumineux qu'il est prévu de stocker dans Cigéo. La question est abordée, mais insuffisamment détaillée.
Les principales critiques que j'adresse au PNGMDR concernent ses angles morts. J'en ai relevé quatre, dont je trouverais important que nous discutions.
Il manque tout d'abord selon moi une synthèse de l'évolution actuelle et future des matières et déchets radioactifs. Lorsque j'ai formulé cette remarque précédemment, il m'a été répondu que ce document n'était pas le lieu approprié pour cela et que l'Andra élaborait un inventaire sur le sujet. J'en conviens, mais lorsqu'un scientifique comme moi lit un tel document, il cherche toujours à connaître l'évolution passée et future et ce que cela représente en tonnes. Il suffirait d'une ligne ou d'un tableau.
La deuxième lacune, plus importante encore à mon sens, concerne l'amont, c'est-à-dire la phase d'extraction de l'uranium. Des déchets sont désormais créés dans d'autres pays que le nôtre, mais cela relève néanmoins de notre responsabilité puisque nous utilisons l'énergie qui en découle. Il s'agit là d'un angle mort du PNGMDR.
J'ai par ailleurs découvert en travaillant ce dossier que le choix de retraitement fait à La Hague constituait une spécificité française, qui certes permet de créer de la matière radioactive pour une 4e génération de réacteurs, mais complexifie la gestion des déchets. Or ce point n'est pas traité dans le PNGMDR. La saturation de l'usine de La Hague n'est en outre pas suffisamment explicitée et il est difficile d'entrevoir une solution pour sortir de cette situation.
En matière de stockage, le projet Cigéo apparaît comme l'élément central. La loi prévoyait toutefois d'envisager la possibilité d'entreposer en surface. Des choix ont été faits, mais il est important que les citoyens puissent comparer les différentes options et comprendre les raisons de ces choix. Or ce PNGMDR ne comporte aucun élément de ce type. Cela fait le lien avec la table ronde suivante et la nécessité de transparence et d'information de la population.
Il manque enfin dans ce document une comparaison avec la situation des autres pays et les solutions qui y sont mises en œuvre. J'ai été étonné de cette absence de benchmarking. Nous savons par exemple que les États-Unis ou la Finlande ont effectué des choix différents des nôtres. Il serait donc intéressant de disposer d'éléments de comparaison.