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Intervention de Pauline Boyer

Réunion du jeudi 25 janvier 2024 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Pauline Boyer, chargée de campagne Transition énergétique à Greenpeace France :

Bonjour et merci pour cette invitation.

Le premier élément sur lequel je souhaiterais mettre l'accent est l'existence même de ce PNGMDR : il est en effet très important de disposer de ce type de document.

Ce plan reste néanmoins très théorique et s'appuie beaucoup sur la vision des exploitants. Alors qu'il devrait en principe influencer les décisions de politique énergétique, on constate à l'inverse que c'est lui qui prend en compte les annonces politiques. Ainsi, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) devrait intégrer la problématique des déchets. Or il est question aujourd'hui de construire au moins 6 nouveaux réacteurs nucléaires EPR2, sans envisager ce qui pourra être fait des déchets produits. La production de déchets est considérée comme évidente et n'est pas remise en question lorsque le gouvernement prend ses décisions, alors même que la construction de tels réacteurs suppose non seulement d'énormes chantiers, mais aussi, par la suite, la production de déchets nucléaires. Que fera-t-on de ces déchets ? Va-t-on construire une deuxième usine à La Hague, sachant que la première est en voie de saturation ? Cela n'a aucune réalité économique et contreviendrait à la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est, dite « convention OSPAR » qui prévoyait qu'à partir de 2020 aucun rejet, notamment radioactif, ne devrait advenir dans les milieux marins. Or les rejets de La Hague sont déjà considérables aujourd'hui.

Ce plan ne tient pas suffisamment compte des réalités de terrain. Le retraitement des déchets radioactifs génère notamment du plutonium, utilisé pour fabriquer du MOX. L'usine de recyclage Orano Melox rencontre actuellement des problèmes de fonctionnement et notre stock de plutonium a augmenté ; mais au-delà de cette situation ponctuelle, il faut savoir que le combustible MOX est beaucoup plus dangereux et radioactif après irradiation. Il encombre les piscines et participe ainsi à leur saturation. EDF a donc proposé la construction d'une nouvelle piscine. Ce projet est largement contesté, notamment par les habitants du territoire concerné. Nous nous trouvons par conséquent dans une sorte de fuite en avant, sans que le but de la démarche ne soit explicité, la valeur ajoutée du MOX paraissant très limitée. La gestion des déchets serait beaucoup plus simple si l'on s'arrêtait au traitement du combustible irradié.

Notez que les dizaines de milliers de tonnes d'uranium de retraitement (URT) disponibles sont peu utilisées. Cette activité dépend de la seule usine de réenrichissement d'URT, située en Russie. Lors d'une réunion syndicale, l'ancien directeur d'Orano a déclaré que la construction d'une telle usine en France serait une ineptie d'un point de vue économique.

Aucun de ces différents aspects du retraitement n'est questionné dans le PNGMDR. Les scénarios suivis sont ceux proposés par les exploitants ; or ce ne sont pas forcément les meilleurs.

Je souhaite souligner par ailleurs que de nombreuses matières sont traitées par principe dans ce plan comme des substances réutilisables, alors qu'elles ne le sont et ne le seront pas dans les faits. Cela renvoie à la distinction entre déchet et matière nucléaire. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a publié plusieurs avis demandant la mise en place d'un plan pour une partie au moins des 350 000 tonnes d'uranium appauvri qui ne seront certainement jamais réutilisées. Elle estime en outre indispensable qu'une quantité substantielle de cet uranium appauvri soit requalifiée dès à présent en déchets, ce qui n'est pour l'instant pas le cas. La même question se pose pour une part de l'uranium de retraitement.

L'espoir nourri par l'industrie nucléaire d'un développement de surgénérateurs fait « disparaître » théoriquement ces déchets : le fait d'annoncer que l'on trouvera une solution ultérieurement semble suffire. Cette perspective n'est pourtant pas crédible au regard des avancées technologiques à moyen terme. Le plan ne devrait par conséquent pas s'appuyer sur cet élément.

J'aimerais souligner également la lenteur dans la mise en place des actions identifiées et l'absence de contrainte pesant sur les exploitants quant au déploiement de solutions efficaces et rapides pour un certain nombre de déchets. Cela concerne par exemple les boues de La Hague et de Marcoule, qui se trouvent au fond des piscines et ne font pour l'instant l'objet d'aucun traitement, en dépit d'avis de l'ASN et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) demandant que des mesures soient prises en ce sens. Toutes les solutions proposées par les exploitants ont été refusées, car elles ne sont pas jugées satisfaisantes. Pendant ce temps, la situation continue de s'aggraver.

Nous ne disposons pas non plus de solution pour les massifs de graphite qui restent présents dans les premiers réacteurs nucléaires qui devraient être démantelés.

L'une des dimensions à considérer est que les réacteurs font gagner de l'argent, ce qui justifie les investissements, tandis que les déchets ne relèvent que d'une démarche de protection et n'apportent aucun gain financier. Cela peut expliquer la différence de traitement.

Enfin, la loi Bataille prévoyait que trois voies de recherche soient poursuivies. Cela concernait l'enfouissement géologique (en cours avec le projet Cigéo), la transmutation (qui ne sera vraisemblablement pas la solution technologique mise en œuvre à court et moyen terme) et l'entreposage à sec. Cette dernière piste de recherche a été soutenue par les ONG, dont Greenpeace, mais aucune investigation probante n'a été effectuée sur le sujet.

De nombreux problèmes demeurent donc irrésolus, alors même que le PNGMDR existe depuis plus d'une quinzaine d'années.

Je conclurai en soulignant que les coûts associés ne sont pas étudiés dans le plan. Or ce point serait important pour les contribuables, qui vont être amenés à supporter les dépenses liées aux déchets nucléaires. Il faudrait connaître le montant de chacune des solutions envisagées, pour les exploitants et, par ricochet, pour les contribuables.

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