Ces stériles radioactifs posent aujourd'hui des problèmes importants, avec une perte de valeur des biens construits sur ou à côté de ces remblais, mais aussi des enjeux sanitaires à long terme, même s'il est question de très faibles doses. Nous savons en effet que la radioactivité strictement naturelle, à des doses faibles, sous forme de radon dans l'habitat, est responsable de plus d'un millier de décès en France. Ces doses ne sont donc pas inoffensives.
La CRIIRAD et les associations avec lesquelles elle travaille, regroupées au sein du collectif « Mines d'uranium », souhaitent que davantage de lieux contenant des stériles radioactifs soient assainis, afin de limiter l'exposition des populations et de faciliter le développement des territoires.
Un deuxième sujet lié à l'héritage de l'exploitation de l'uranium dans l'Hexagone concerne les résidus d'extraction, qui représentent plus de 50 millions de tonnes, réparties sur 16 sites. Ces résidus ne sont, aujourd'hui encore, pas confinés correctement.
Ainsi, sur le site de Bellezane, en Haute-Vienne, 1,4 million de tonnes de ces résidus ont été déversés dans une ancienne carrière d'uranium et contaminent les eaux souterraines, qu'Orano est obligé de pomper et de traiter avant de les rejeter dans l'environnement. Or les contrôles que nous avons effectués montrent qu'en aval de ce stockage, le ruisseau des Petites Magnelles est pollué et que les prairies alentour, où des vaches paissent, présentent un niveau de radioactivité tout à fait anormal. De la même manière, sur le site des Bois noirs, dans la Loire, les résidus ont été déversés dans le fond d'une vallée, où le ruisseau a été détourné. Aucune étanchéification du fond n'a été effectuée. Cela est d'autant plus problématique que d'anciennes galeries de mines courent sous cette vallée et qu'une faille est présente à proximité. Ces résidus sont sous eau, dans un lac artificiel ayant pour objet de limiter les émanations de radon et de poussière. Le problème est que ce dispositif n'est pas pérenne et qu'Orano peine à imaginer comment assurer la pérennité de ce stockage de résidus radioactifs. Tous ces déchets issus de l'extraction d'uranium posent un nombre important de problèmes irrésolus.
Nous sommes par ailleurs face à une désinformation que nous trouvons profondément choquante. La vidéo promotionnelle d'Orano indiquant que tous les sites en France sont réaménagés et qu'il n'existe aucun impact environnemental ou sanitaire ne correspond absolument pas à la réalité. Sur le site des Bois noirs par exemple, les mesures officielles effectuées par Orano en 2022 font état d'un dépassement de la dose maximale annuelle admissible de 1 millisievert. Et encore, il s'agit d'un calcul officiel de l'industriel. Or les études que nous avions conduites voici quelques années sur ce même lieu montraient, par exemple, qu'un capteur mesurant la radioactivité ambiante induite par l'ancienne mine n'indiquait pas de radioactivité anormale (rayonnements gamma) alors qu'à moins de200 mètres au nord, à l'est et à l'ouest de ce dispositif, se trouvaient des stériles radioactifs dans la cour d'un restaurant, d'une ferme, le long du chemin.
Cette problématique a été en partie traitée, mais il a fallu se battre pendant des années, avec les associations, les élus locaux et l'intervention des médias. Nous savons malheureusement qu'il s'agit de la seule possibilité pour faire avancer ces sujets.
Aujourd'hui, l'ensemble de l'uranium utilisé en France vient de l'étranger, où nous retrouvons évidemment ces problèmes d'amont du cycle. La CRIIRAD mène par exemple depuis 2002 des travaux sur l'impact de l'extraction d'uranium au Niger : les difficultés rencontrées sont les mêmes qu'en France. La Cominak, filiale d'Orano qui a fermé en 2021, laisse par exemple 20 millions de tonnes de ces résidus radioactifs de faible activité à vie longue (plus de 400 000 becquerels par kilogramme) non recouverts, si bien que le vent disperse les poussières radioactives et que le radon émane directement dans l'atmosphère. L'entreprise s'est engagée à recouvrir ce stockage d'ici quelques années, mais nous ignorons si cela sera effectif un jour, en raison notamment de la situation politique de cette zone. Quoi qu'il en soit, ces résidus contaminent déjà les eaux souterraines, car ils n'ont pas été déposés sur un site étanche. Les dépôts successifs ont conduit par ailleurs à ce que les résidus se déplacent au droit de la faille nord-sud d'Arlit et polluent les eaux souterraines, que l'entreprise est obligée de pomper, par des pompages de sécurité, avant de les rejeter sur le site. Nous ignorons combien de temps durera ce pompage. L'industriel indique en outre dans ses rapports que lorsqu'il cessera, il existe, selon certains modèles, une probabilité que les éléments contaminés atteignent, au bout de 150 ans, la zone de captage d'eau potable de la ville d'Arlit, qui compte plus de 100 000 habitants. D'ici quelques années, le niveau d'uranium dans ces eaux pourrait les rendre impropres à la consommation.
Ces quelques exemples soulignent l'existence, sur ces sujets, de nombreuses réalités qu'il convient d'expliciter, de démontrer et dont nous constatons en tant qu'organisme indépendant qu'il est impossible de les appréhender si l'on n'étudie pas la situation directement sur le terrain.