La première chose que nous avons constatée, lorsque nous sommes arrivés sur le canal 26 de la TNT, c'est que nous étions régis par une convention très contraignante – sans doute la plus contraignante, à l'époque, de toutes les chaînes d'information. Il nous était notamment interdit de diffuser des journaux toutes les demi-heures, ou encore d'interrompre nos programmes, y compris pendant les meetings de la campagne présidentielle de 2017. De fait, nous ne pouvions pas être une chaîne d'information comme les autres. En 2016 et 2017, nous avons été obligés d'imaginer un positionnement éditorial différent, qui privilégie le temps long. Nous avons décidé de confier de longues tranches d'émission à des journalistes tels que David Pujadas ou, plus tard, Darius Rochebin, afin d'approfondir l'actualité, faute de pouvoir être réactifs comme les autres chaînes d'information. Il y avait là une contrainte, mais aussi une intuition : à l'époque des smartphones, des réseaux sociaux et des notifications, nous avons voulu nous détacher de l'urgence de l'information et proposer quelque chose de différent.
Cela correspondait très bien au positionnement de l'information de TF1 – car nous agissons bien sûr au niveau du groupe. Autant les journaux de TF1 – à treize heures, à vingt heures et le week-end – et même les magazines de la chaîne se caractérisent par la réactivité, le reportage et l'événement, autant LCI privilégie l'approfondissement de l'information. Les publics des deux chaînes sont assez complémentaires : les téléspectateurs de LCI sont un peu plus âgés, un peu plus citadins et appartiennent un peu plus aux catégories socioprofessionnelles supérieures, ceux de TF1 sont davantage répartis sur l'ensemble du territoire national, notamment en région. Cela nous convient très bien.
Nous n'avons pas toujours réussi, ce qui est bien normal, mais nous avons décidé d'accentuer notre choix éditorial au moment de la crise internationale. Avec Fabien Namias, nous avons considéré que nous vivions une période historique unique, qu'il fallait en rendre compte et qu'il convenait donc d'intensifier notre couverture du conflit engagé en Ukraine. Nous avons fait le choix de développer ce sujet, qui n'exclut pas pour autant les autres. Nous voulons être performants en politique, en économie, traiter certains thèmes de manière préférentielle avec les meilleurs experts possible, et assumer cette différence.
Si notre positionnement s'est traduit par des succès d'audience en 2023, il n'en demeure pas moins audacieux. Nous refusons la surenchère. Alors que vous évoquez une homogénéisation de l'offre d'information, nous pensons, à l'inverse, que nous devons être le plus singulier possible, même si les sujets que nous abordons se recoupent parfois avec ceux traités par les autres chaînes. C'est en effet la singularité qui permettra à LCI de se développer.