J'interviens ici comme secrétaire adjointe du SNRT CGT. En préambule, je tiens à vous signaler que je suis salariée intermittente et représentante du personnel au sein de Maximal Productions, filiale du groupe Mediawan.
Le SNRT CGT est un syndicat et une association de syndicats regroupant les travailleurs des entreprises publiques et privées de l'audiovisuel, tant au niveau de la branche qu'au niveau des entreprises la composant : radio et télévision, production audiovisuelle, prestations techniques pour l'audiovisuel, archivage audiovisuel, nouveaux supports numériques… jusqu'aux télécommunications chez TDF.
Le SNRT CGT revendique et se bat pour une convention collective de l'audiovisuel public et privé étendue, basée sur le mieux-disant social des conventions et des accords collectifs existants. Il milite pour le maintien de l'ensemble des emplois dans le secteur public et privé contre la sous-traitance et le recours abusif à l'intermittence, pour le renforcement d'un pôle audiovisuel public, indispensable pour des programmes et une information pluraliste et de qualité, et pour la pérennisation de son financement. Enfin, il défend des programmes et une information diversifiée et de qualité, qui s'adressent à l'ensemble de la population et soient réellement indépendants des pressions politiques et économiques, tout en y intégrant les enjeux de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) tels que la lutte contre le réchauffement climatique et la non-discrimination.
Pour nous, la TNT a l'avantage d'être gratuite pour nos concitoyens, et disponible dans des zones mal ou non couvertes par la fibre ou le réseau ADSL ( asymmetric digital subscriber line, ou liaison numérique asymétrique). Avec la TNT, les diffuseurs locaux – en particulier France 3 – ont une possibilité de décrochage régional, et même local, qu'il est difficile d'imposer aux fournisseurs d'accès Internet. De surcroît, ce mode de diffusion consomme dix fois moins d'énergie que celui des boîtiers d'accès à Internet ou box, et constitue donc un modèle d'avenir.
Les fréquences de la TNT sont un bien public, et les chaînes n'en sont pas propriétaires. Elles doivent donc respecter leur cahier des charges. À ce propos, le renouvellement de quinze canaux de distribution peut permettre d'être plus ambitieux en ce qui concerne les engagements sociaux et environnementaux des chaînes.
Nous assistons depuis plusieurs années à un nivellement vers le bas des acquis sociaux des travailleurs du secteur. Les différents acteurs de l'industrie exigent toujours plus, alors que les moyens humains et financiers ne cessent de diminuer. Ainsi, nombre de métiers se sont vu attribuer des tâches supplémentaires et se sont complexifiés, sans aucune revalorisation en contrepartie.
Depuis plus de quinze ans, les plans de réduction d'emplois se succèdent dans les entreprises publiques et privées. Certains emplois en CDI ont été remplacés par des CDD. Pour illustrer la précarisation du secteur, en 2023, les premiers minima de la convention collective de la télédiffusion ont été augmentés de 9 % afin de dépasser légèrement le Smic.
Les délais de production et de post-production se sont raccourcis, parfois jusqu'à l'impossible, déclenchant des heures supplémentaires que les budgets prévus ne permettent pas de déclarer. La moindre économie compte, depuis la sous-qualification des comptes – combien d'adjoints sans référent ? – jusqu'au non-remboursement des abonnements aux transports en commun des intermittents.
Si ces dérives sont surtout présentes chez les producteurs et les prestataires, qui les justifient par les baisses budgétaires imposées par les diffuseurs, ces derniers ne sont pas exempts de pratiques discutables, qu'il s'agisse de salariat dissimulé par l'emploi d'autoentrepreneurs ou de recours abusif à l'intermittence.
Nos préconisations quant au renouvellement des autorisations de diffusion de la TNT seraient donc liées à des obligations d'engagements sociaux. S'agissant de la vérification des volumes d'intermittence dans les services, il conviendrait de calculer ces proportions par métiers éligibles, et non globalement, comme c'est le cas aujourd'hui. Des engagements écrits et vérifiables sur ce point nous semblent nécessaires. Je tiens à rappeler que malgré ce volume d'emplois intermittents dans certains services, ces salariés, qui se voient souvent plafonner le nombre d'embauches par an par crainte de recours devant les prud'hommes, sont trop rarement éligibles à la représentation du personnel. Cette situation aggrave leur isolement et leur précarité. Tous les publics de salariés devraient être représentés dans les instances représentatives du personnel, notamment les intermittents, qui préfèrent se taire plutôt que de prendre le risque de perdre un employeur.
Nous préconisons également l'interdiction du recours à l'auto-entreprenariat dans l'audiovisuel, des engagements mesurables en ce qui concerne l'écologie, l'empreinte carbone, la non-discrimination et l'égalité entre les femmes et les hommes. En outre, nous prônons une meilleure transparence en matière de résultats financiers, avec une information sur la répartition détaillée entre les bénéfices, les investissements et la masse salariale. Il nous paraît également nécessaire d'imposer une charte de déontologie contraignante garantissant notamment la sécurité matérielle et morale des travailleurs.
D'autre part, nous jugeons indispensable que tous les travailleurs du secteur relèvent de la même convention collective. Ce rattachement commun éviterait des pratiques de concurrence sociale déloyale ou dumping social visant à appliquer des dispositions moins-disantes.
Pour finir, la disparition des chaînes de la TNT, annoncée pour 2030, signifie aussi leur suppression des box et la bascule complète dans l'univers des plateformes Netflix, Apple TV, Amazon Prime, etc. Ces dernières détiennent des accès directs à la TNT via les portails des téléviseurs, ce qui crée déjà une concurrence déloyale avec les acteurs historiques.
Ces géants du numérique, dits Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) captent 90 % des recettes publicitaires sur Internet, dans un marché mondial sur lequel les acteurs nationaux auront le plus grand mal à s'imposer. Des dizaines de milliers d'emplois chez les diffuseurs sont en jeu, sans oublier l'enjeu majeur de souveraineté culturelle. Peut-être faudrait-il mettre à profit cette occasion pour réguler plus largement le secteur.