Intervention de Thomas Uthayakumar

Séance en hémicycle du mercredi 28 février 2024 à 21h30
Mieux partager la valeur et garantir des revenus dignes pour les agriculteurs

Thomas Uthayakumar, directeur des programmes et du plaidoyer de la FNH :

Je serai un peu moins dithyrambique : « C'est qui le patron ?! » n'est pas une mauvaise initiative, mais une micro-initiative, qui améliore la transparence et qui a une vocation participative – les consommateurs sont consultés sur les prix qu'ils sont prêts à payer pour tel ou tel produit.

Dans la jungle des labels, les consommateurs ne savent pas ce qu'ils achètent. Dans les rayons des supermarchés, vous trouvez des labels privés comme « C'est qui le patron ?! » ou « Zéro résidu de pesticides », mais aussi des labels publics : Haute Valeur environnementale (HVE), appellation d'origine protégée (AOP), indication géographique protégée (IGP) et agriculture biologique (AB). Mesurer le degré de durabilité des différents labels est très difficile. La HVE, en particulier, souffre de problèmes de crédibilité, démontrés dans plusieurs études. J'ai moi-même publié une étude lorsque je travaillais à WWF pour évaluer la durabilité des labels sur la base de quatorze grands enjeux, pour moitié socio-économiques et pour moitié environnementaux. « C'est qui le patron ?! » avait d'ailleurs tiré son épingle du jeu sur le volet socio-économique, mais ses performances environnementales posaient davantage question.

Parmi tous les labels présents dans les supermarchés et dont les consommateurs ont du mal à identifier le niveau de durabilité, l'agriculture bio est la seule initiative dont la littérature scientifique a démontré les bénéfices à la fois environnementaux et socio-économiques, en particulier lorsqu'elle est combinée au commerce équitable. L'objectif est de doubler les surfaces de l'agriculture biologique en six ans pour atteindre 21 % de surfaces bio d'ici à 2030, avec un objectif intermédiaire de 18 % d'ici à 2027 : le défi est immense, il va falloir mettre les bouchées doubles.

Le plan Ambition bio 2027 n'est pas à la mesure de l'enjeu, et le Gouvernement ne démontrera pas sa crédibilité en matière d'agroécologie – dont l'agriculture biologique fait partie – simplement en contrôlant davantage l'application des lois Egalim – la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Egalim 1 ; la loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Egalim 2 ; la loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite Egalim 3.

Il va falloir embarquer d'autres secteurs d'activité que celui de la restauration collective, qui ne respecte toujours pas la loi Egalim 1. Ce texte prévoit 50 % de produits durables dans la restauration collective, dont 20 % de bio, alors que la moyenne s'élève aujourd'hui à 6 %, avec un secteur médico-social largement à la traîne. Une fois que nous aurons réussi à faire respecter la loi dans la restauration collective, il faudra passer à la restauration commerciale – cafés, restaurants – et surtout à la grande distribution, car c'est elle qui détermine en grande partie la consommation des Français.

Pour conclure, ayons davantage d'ambition pour l'agriculture biologique – conformément au nom de cette politique publique – avant d'envisager des initiatives crédibles sur le plan socio-économique et environnemental – crédibilité qui manque à de nombreuses initiatives privées aujourd'hui.

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