Intervention de Blaise Desbordes

Séance en hémicycle du mercredi 28 février 2024 à 21h30
Mieux partager la valeur et garantir des revenus dignes pour les agriculteurs

Blaise Desbordes, directeur général de Max Havelaar France :

Il n'y a rien de redoutable à cela et je veux vous convaincre que l'adoption de prix planchers est faisable et professionnelle : elle fonctionne et elle est décidée volontairement par l'ensemble de la chaîne, remontant parfois même jusqu'aux grandes et moyennes surfaces (GMS). Le prix plancher est utilisable ici et maintenant. Lorsque la crise sera terminée, si les décideurs et les parlementaires s'inspirent des mécanismes du commerce équitable pour disséminer des pratiques qui protègent – certes, parfois imparfaitement – les paysans dans la situation de M. Caillé, nous en serions très heureux.

Comment fonctionnent les filières équitables ? Avant tout, il s'agit de sécuriser le droit de travailler et le revenu agricole. Nous sommes aujourd'hui capables de calculer des prix avec une méthode de concertation éprouvée – je pense aux conférences de filière, qui ont été évoquées, et au lait que je vous ai montré. Nous pouvons ensuite les revoir chaque année afin qu'ils collent au réel, et non aux besoins de la grande distribution.

Comment fait-on pour assurer le revenu des agriculteurs ? On part du revenu souhaité pour fixer le plancher minimum, par exemple 1,5 à 2 Smic, et on détermine le prix de la tonne de lait en prenant en compte les autres coûts de production. Ainsi, les choses sont remises dans l'ordre. Notre mécanisme sanctuarise le prix de la tonne auquel on aboutit. Il s'agit d'un prix plancher : si la conjoncture du marché est favorable et permet aux agriculteurs de vendre plus cher, grand bien leur fasse ; mais quand la conjoncture est mauvaise, le prix plancher équitable les sécurise en amortissant les investissements et les efforts consentis durant des années.

Ainsi, nous avons calculé le prix minimum rémunérateur du blé dans le Gers. Notre équipe s'est aperçue que depuis trois ans, dans 60 % des cas, le prix du blé était au-dessous du prix équitable que nous avions calculé. Si, au lieu du prix mondial, ce prix avait pu jouer, le surplus de revenu par actif agricole aurait été de 7 000 euros sur la période, de 2 800 euros par an et donc d'environ 230 euros de salaire net par actif agricole – et ce, uniquement pour la production du blé. Les agriculteurs qui gagnent 900 ou 300 euros par mois auraient bénéficié de ce supplément de revenu si le prix équitable public avait été activé. Certes, il n'est pas extraordinaire, mais il est négocié au sein de la filière et décidé par tous les acteurs.

Quelle est la différence de ce mécanisme de prix plancher avec celui dont on parle aujourd'hui dans la presse et au Salon de l'agriculture, où nous étions aujourd'hui très bien entourés ? La réponse est que ce prix plancher est volontaire. La question de savoir si l'on peut transformer un mécanisme volontaire en un mécanisme obligatoire agite aujourd'hui les cercles de décision et le Parlement. Sans doute est-ce là que se logent les principaux pièges du débat sur le prix plancher. Quand vous voulez intervenir par la loi, vous suscitez une levée de boucliers ; quand vous agissez sur la base du volontariat, c'est-à-dire quand une filière entière est d'accord – si elle ne l'est plus, elle quitte le dispositif –, alors vous ouvrez des possibilités extraordinaires. Les filières que nous représentons occupent 4 à 5 % du marché. La filière de la banane est la plus importante – 12 % du marché en France. Imaginez la marge de manœuvre que nous aurions avec des prix planchers, même si la loi ne passait pas.

Nous pouvons définir collectivement les prix par filière, en utilisant des données territorialisées. L'argument selon lequel les rendements sont différents d'un lieu à un autre n'est pas recevable car nous savons comment faire : en ce moment, nous avons cinq prix différents pour le lait selon les régions. Nous mettons sur le marché des produits équitables dans cinq régions différentes en tenant compte de cinq situations différentes. Évitez les pièges du débat et ne considérez pas les mécanismes équitables, qui ont fait leur preuve, comme des prix administrés : ce sont des prix volontaires !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion