« Qu'est-ce qu'ils attendent de nous, là-haut ? Ça fait des années qu'on nous pousse à faire mieux, toujours la meilleure qualité, et on le fait ; mais finalement, on nous achète nos produits à des prix qui ne couvrent même pas nos charges. Les ventes à perte, c'est notre quotidien. » C'est ce que m'a confié le premier agriculteur que j'ai rencontré sur un point de blocage près de Limoges, le soir du 25 janvier.
« Là-haut, qu'est-ce qu'ils attendent de nous ? » : c'est une bonne question. Quel cap voulez-vous pour l'agriculture ? À voir les chiffres, les agriculteurs ont raison de s'interroger. De Nedde à Saint-Amand-le-Petit, de Saint-Laurent-les-Églises à Champnétery, dans nos départements, dans nos communes et dans nos prairies, c'est un véritable plan social : des milliers d'emplois et de villages sont détruits. Le nombre d'exploitations agricoles a été divisé par quatre en cinquante ans. Entre 2010 et 2020, la Haute-Vienne a perdu un quart de ses fermes bovines. L'une des principales causes, vous venez d'en parler : c'est le libre-échange. Canada, Chili, Mexique, Mercosur, Nouvelle-Zélande… Vous êtes en train de faire avec l'alimentation ce que vos prédécesseurs ont fait avec les médicaments ou les vêtements : vous délocalisez et vous sabrez notre souveraineté.
Les agriculteurs, mais aussi l'ensemble des Français, vous demandent l'inverse : nous ne voulons pas perdre notre souveraineté alimentaire.