L'urgence à agir devient chaque jour plus prégnante, alors que les difficultés sociales de notre pays exacerbent les tensions sur le plan agricole et alimentaire tout en accentuant les pressions sur le pouvoir d'achat des Français. Cette situation compromet sérieusement leur capacité à accéder à une alimentation de qualité et durable, ce qui oblige les pouvoirs publics à apporter une réponse à la précarité alimentaire, définie par l'Unesco comme la « conjonction entre une situation de pauvreté économique et une série d'empêchements sociaux, culturels et politiques dans l'accès à une alimentation durable ». Les chiffres, alarmants, témoignent d'une augmentation de 30 % de la précarité alimentaire en moins d'un an ; 16 % des Français déclarent ne pas avoir assez à manger, selon le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc).
Au fil des ans, pourtant, l'engagement de l'État dans la lutte contre la précarité alimentaire a diminué. Les politiques publiques peinent à coordonner les dispositifs, souvent dispersés et placés sous la tutelle de différents ministères, et souffrent d'un manque de réflexion globale sur les moyens à appliquer. L'aide alimentaire en pâtit. Des organisations telles que les Restos du cœur font face à des difficultés financières et opérationnelles. Je ne parle pas du chèque alimentaire, arlésienne du précédent quinquennat, qui a été remisé.
Bien qu'elle vise à répondre à cette urgence, votre proposition de loi présente quelques défauts. Imposer des solutions uniformes à des territoires ayant des contraintes totalement différentes n'est pas une solution viable. Nous croyons fermement que la volonté de l'État doit être soutenue, mais nous insistons sur le rôle essentiel des collectivités territoriales dans la conception et l'application de mesures adaptées aux besoins spécifiques de leur territoire. Pour qu'elle soit un succès, l'expérimentation doit s'appuyer sur des territoires bien structurés. C'est pourquoi j'ai proposé de rendre éligibles à l'expérimentation ceux qui sont dotés d'un projet alimentaire territorial. Cette approche permettrait une meilleure adaptation des mesures aux réalités locales et une coordination plus efficace entre les acteurs.
Par ailleurs, la proposition de loi omet l'éducation à l'agriculture parmi les actions éducatives proposées à l'article 2. Celle-ci serait l'occasion de rappeler, par exemple, ce qu'est la saisonnalité des produits. L'augmentation de la précarité alimentaire se traduit aussi par une baisse de la qualité des produits achetés par les consommateurs français. Le barème Ipsos-Secours populaire montre que 37 % des Français interrogés peinent à consommer des fruits et légumes frais tous les jours. La baisse de la qualité de la consommation de produits alimentaires fragilise la stratégie de montée en gamme de l'agriculture française et pose de graves problèmes en matière de santé publique. Une meilleure compréhension des processus agricoles peut contribuer à la réduction du gaspillage alimentaire et encourager la valorisation des produits locaux.
À titre personnel, je suis sensible à votre proposition de loi, mais, collectivement, notre groupe ne votera pas en faveur du texte. Il nous paraît en effet plus pertinent de relancer le pouvoir d'achat et de réduire les dépenses publiques pour lutter efficacement contre la précarité alimentaire.