En conclusion de votre propos liminaire, vous avez dressé un constat d'échec quant à la réduction de la fracture scolaire. Vous attribuez nos médiocres performances à un défaut de mixité sociale, estimant qu'il faut ouvrir les établissements de centre-ville à davantage de mixité et rendre plus attractifs les collèges situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Vous avez également annoncé un plan « mixité » destiné à empêcher l'entre-soi dans le privé.
Nous estimons, pour notre part, que le fait d'imputer les médiocres performances de l'école à un défaut de mixité sociale est historiquement et sociologiquement inexact et revient à confondre les effets et les causes. Surtout, cette thèse masque mal le fond du problème, à savoir l'effondrement qualitatif et moral de notre système éducatif.
Il a toujours existé des écoles de quartier, des écoles de village, de centre-ville, de banlieue ; ces établissements étaient socialement homogènes car ils étaient le reflet de la composition de leur quartier et la mixité n'y existait pas plus qu'aujourd'hui. Cette situation ne posait toutefois pas de difficulté, parce que les familles avaient l'assurance que les élèves recevaient partout le même enseignement. La véritable mixité consiste à appliquer le même niveau d'exigence au fils de paysan du Cantal, à la fille du mineur de Bruay ou au fils du notaire de Strasbourg : elle offre à chaque élève, dans chaque école publique, le même niveau de qualité de transmission des savoirs.
C'est l'accumulation, depuis des décennies, de réformes ineptes – menées d'ailleurs aussi bien sous la gauche que sous la droite – qui a détruit la qualité de l'enseignement public. Comment pouvez-vous faire semblant d'ignorer que la perte de l'équivalent de deux années d'enseignement du français entre 1975 et aujourd'hui explique au moins en partie pourquoi 50 % des élèves entrant en sixième ne lisent pas de manière fluide ? Et que dire du niveau en histoire, quand la moitié des 16-24 ans ignorent que 1789 marque le début de la Révolution française !
Vous avez voulu Bourdieu, Meirieu, Haby et le collège unique ; vous avez 11 % d'illettrés à l'âge de 17 ans. Bravo ! En retirant 691 millions d'euros d'un trait de plume à l'enseignement scolaire, vous montrez d'ailleurs où sont vos véritables priorités.