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Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du lundi 26 février 2024 à 18h00
L'école publique face aux politiques de tri social

Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Merci, mesdames et messieurs les députés, de m'accueillir pour ce qui est ma première intervention devant vous depuis que j'ai été nommée ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et je remercie le groupe GDR – NUPES d'avoir organisé ce débat.

C'est en effet un sujet majeur que vous avez choisi de traiter et, à rebours de l'idée de « tri social » – une expression que l'on trouve dans l'intitulé même du débat –, ma préoccupation, en tant que ministre de l'éducation, est d'assurer au maximum la mixité sociale et la mixité scolaire, et de tout faire pour qu'elles puissent progresser de concert. L'ensemble du système que j'appelle de mes vœux doit donc contribuer à la réduction des inégalités scolaires, qui sont bien entendu corrélées aux inégalités sociales. En effet, je pense que l'école est fondamentalement le produit de la solidarité républicaine, et je m'inscris ici dans la continuité de ce qui a été fait depuis 2017, mue par l'ambition de contribuer à la réduction de ces inégalités scolaires et sociales.

Je me réfère en premier lieu au code de l'éducation lui-même et à son article L. 111-1, qui est à mon sens celui qui exprime le mieux notre objectif. Il précise en effet que le service public de l'éducation veille « à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d'enseignement », et que « l'acquisition d'une culture générale et d'une qualification reconnue est assurée à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique. » Je crois vraiment que ces mots sont la boussole que nous partageons.

Pourtant, force est de constater que notre école ne satisfait pas pleinement la réalisation de cet objectif, en tout cas pas autant que nous pourrions le désirer. Cela a sans doute été mentionné lors de la table ronde qui a précédé notre échange, et de nombreux indicateurs viennent à l'appui de ce constat : la France se trouve être l'un des pays de l'OCDE où les déterminismes sociaux affectent de manière non négligeable la réussite scolaire des élèves.

L'étude du Pisa 2022 montre ainsi qu'en France, en mathématiques, l'écart moyen entre les élèves issus de milieux socio-économiques favorisés et ceux issus de milieux défavorisés est supérieur de 20 points à celui que l'on observe dans l'ensemble de l'OCDE, où il s'élève à 93 points. Un tel indicateur est très révélateur.

France Stratégie montre par ailleurs que les enfants des familles favorisées – c'est peut-être un truisme, mais il faut le rappeler – redoublent moins et mettent plus rarement fin à leur scolarité de manière précoce que ceux des familles défavorisées. Six ans après leur entrée au collège, 24 % des enfants de milieu modeste ont arrêté leur scolarité, avec ou sans diplôme, contre 8 % de ceux issus d'un milieu favorisé. Et cinq ans après leur entrée au collège, plus de 80 % de ces derniers sont inscrits dans une seconde générale et technologique, contre 35,6 % des élèves issus d'un milieu défavorisé.

Le même constat peut être dressé pour ce qui concerne les choix d'orientation des élèves vers le lycée général et technologique : si 55,1 % des élèves de REP+ s'y destinent, le taux atteint 67,2 % hors REP et monte même jusqu'à 76,2 % parmi les élèves issus de collèges privés. Là encore, l'écart est très important. Enfin je mentionnerai un dernier chiffre particulièrement parlant : seuls 17,7 % des élèves des classes préparatoires aux grandes écoles ont des parents ouvriers et employés, contre 53 % dont les parents sont cadres.

Notre système scolaire n'a pas permis de réduire ces écarts, qui reflètent les inégalités socio-économiques. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation. Face à ce constat, et parce que nous croyons fermement que la mixité sociale favorise la réussite de l'ensemble des élèves et qu'elle est au cœur de la promesse républicaine, le Gouvernement et la majorité mènent des politiques ambitieuses spécifiquement destinées à réduire les inégalités.

Je pense tout d'abord au dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les REP et les REP+, qui sera parachevé à la rentrée 2024 par son extension aux classes de grande section de maternelle. Les dernières évaluations de la mesure témoignent de son effet positif, tant pour la qualité de l'apprentissage que pour celle de l'enseignement par les professeurs, dont la formation a été renforcée. Partout ailleurs, le plafonnement à vingt-quatre élèves par classe des effectifs en CP et CE1 a eu les mêmes résultats – car les difficultés sociales et scolaires ne concernent pas les seuls REP et REP+, même si elles y sont singulièrement concentrées.

Une autre mesure de lutte contre les inégalités scolaires concerne l'allocation des moyens en emplois aux académies, laquelle tient systématiquement compte des IPS. Nous sommes également déterminés à favoriser la mixité sociale, d'une part en ouvrant plus largement les établissements installés en centre-ville à tous les élèves, d'autre part en renforçant l'attractivité des établissements moins favorisés, par l'enrichissement de leur offre de formation. Cette méthode d'allocation des moyens, fondée sur la prise en compte des taux d'encadrement, de l'évolution des effectifs et de l'IPS académique, favorise les académies dont les IPS moyens sont les plus bas.

Par ailleurs, le Gouvernement a présenté en mai 2023 un plan « mixité » afin de tirer les conséquences du constat d'une trop grande concentration, dans certains établissements, notamment privés, d'élèves issus de milieux socialement homogènes. Il visait à mieux articuler entre eux les dispositifs d'égalité des chances, à renforcer l'attractivité des établissements défavorisés en y développant une offre de formation élargie, ou encore à optimiser les procédures d'affectation des élèves. Un protocole a été signé dans ce cadre avec le secrétariat général de l'enseignement catholique pour impliquer pleinement l'enseignement privé sous contrat. Nous disposerons des premiers éléments d'évaluation à la rentrée 2024. Ils seront bien entendu étudiés avec la plus grande attention.

Enfin, le « choc des savoirs », qui a déjà fait l'objet de discussions,…

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