Intervention de Ghislaine Morvan-Dubois

Séance en hémicycle du lundi 26 février 2024 à 18h00
L'école publique face aux politiques de tri social

Ghislaine Morvan-Dubois, administratrice nationale de la FCPE :

La politique de tri social illustre la tendance de l'école à reproduire, voire à aggraver les inégalités. Ce tri s'effectue aujourd'hui sur la base des résultats scolaires, car la reproduction des inégalités entretient un parallélisme entre les notes et le milieu social des élèves. Les disparités sont profondes : en se basant sur l'IPS, un indicateur utile malgré ses limites, on constate que, s'il existe quelques établissements à l'IPS élevé dans le secteur public, c'est le privé qui en concentre le plus grand nombre, alors que tous les établissements à l'IPS très faible sont publics.

Se posent ensuite les questions des différences entre quartiers d'une même ville, ou entre le centre-ville et la périphérie, et celle du rôle des politiques d'urbanisme dans le maintien de ce tri social, en particulier pour les écoles primaires et les collèges, qui sont sectorisés. Comment passer outre ces politiques ? Plus tard arrivent des inégalités entre ville et campagne d'une part, entre France hexagonale et Drom (départements et régions d'outre-mer) d'autre part. Sur la poursuite d'études, notamment dans le supérieur, et sur l'orientation en voie professionnelle ou en voie générale, il existe de grandes disparités entre les villes, les campagnes, les banlieues, les Drom. Tout ceci est le résultat de choix politiques, comme celui de la concentration des populations paupérisées dans certains quartiers ou celui du refus de certaines villes de construire des logements à loyer modéré.

Quelles expériences ont été menées pour outrepasser ce déterminisme ? Dans le 18e arrondissement de Paris, notamment, des secteurs multicollèges ont été créés, au prix de beaucoup de courage politique, de moyens et de pédagogie. C'est quelque chose qui pourrait être généralisé, à l'école primaire, au collège et au lycée, où on aurait donc d'autres mécanismes d'affectation que les notes. Cela permettrait d'égaliser entre lycées le niveau social des élèves.

Malheureusement, dans certains cas, de telles mesures ne suffisent pas. À Toulouse, par exemple, la seule solution a consisté à fermer les collèges-ghettos pour réaffecter les élèves en centre-ville. Cette solution a pour inconvénient de priver des quartiers de collège, ce qui pose un problème social.

L'une des solutions serait de rendre l'école publique attractive, de lui donner des moyens et un cadre. Or on a vu que les ascenseurs d'un établissement privé étaient abondamment subventionnés quand des écoles et des lycées publics tombent en ruine. Les citoyens doivent pouvoir choisir le public. Malheureusement, dans certains territoires, dans certaines spécialités, pour certaines filières, comme les études d'art ou les écoles de commerce, les élèves sont triés en fonction des revenus, puisque les établissements sont payants et, pour certains, ne rentrent pas dans le système des bourses.

Est-ce une question de moyens ou une question de courage ? Un peu des deux. La FCPE demande tout d'abord des enseignants devant tous les élèves dans tous les quartiers. Là aussi, il y a des inégalités, avec des départements où les remplacements sont plus faciles à organiser que dans d'autres, avec des quartiers, voire des écoles, où les moyens de pression sont plus importants pour en obtenir. Elle demande que les Rased soient redéployés en nombre. Elle demande aussi des effectifs réduits dans les écoles où se trouvent les populations plus fragiles, car on sait que c'est la condition pour que ces élèves puissent progresser et s'intégrer.

En conclusion, je dirai que la politique de passivité du passé, avec l'acceptation du contournement de la carte scolaire, les dérogations signées par les maires, les plans d'urbanisme peu compatibles avec la mixité sociale, a fait place aujourd'hui à une politique volontariste de tri social où l'on assume de mettre d'un côté les élites et de l'autre la masse de la population.

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