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Intervention de Bertrand Petit

Réunion du mercredi 14 février 2024 à 15h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Petit, rapporteur :

Alors que notre pays a fait face à de multiples crises au cours des dernières années, les associations ont joué un rôle essentiel dans la préservation du lien social et l'aide aux personnes en difficulté, en complément de l'action publique. Avec près de 1 300 000 associations actives, la France a besoin de bénévoles pour faire vivre un tissu riche et essentiel à la vie de tous nos territoires. Aujourd'hui, ce sont plus de 13 millions de Français qui s'engagent. Malgré un net recul de ce chiffre pendant la crise sanitaire, le nombre de bénévoles est revenu à son niveau de 2019 et ne constitue pas une source d'inquiétude pour le mouvement associatif, notamment grâce à une hausse de l'engagement des jeunes. En revanche, on observe un net recul de la participation bénévole des plus de 65 ans, en baisse de 13 points depuis 2010, et de celle des personnes âgées de 50 à 64 ans, en recul de 7 points. C'est d'autant plus dommageable que les retraités fournissent bien plus d'heures que les actifs. Cela pourrait conduire, à terme, à la disparition de certaines associations.

Dans le même temps, il apparaît – et cela a été largement confirmé lors des Assises du travail – que nos concitoyens cherchent à donner du sens à leur vie, dans le cadre du travail et à côté. Tout le monde s'accorde ainsi sur la nécessité de repenser nos organisations de travail, ce qui peut se traduire, pour certains, par la mise en place d'une semaine de quatre jours. D'après un récent sondage, 77 % des actifs se disent d'ailleurs favorables à une organisation de travail à temps plein sur quatre jours.

Si des expérimentations ont déjà lieu dans des entreprises, des structures associatives ou des collectivités publiques, il n'existe pas de cadre juridique uniforme au niveau national pour inciter les employeurs à libérer du temps pour leurs salariés. Pourtant, là où la semaine de quatre jours a été introduite, ceux qui en bénéficient utilisent le temps libéré notamment pour s'engager bénévolement. Ce constat très clair nous a été fourni par la métropole de Lyon, qui a adopté une telle organisation pour ses salariés.

Notre rôle de législateur est d'accompagner cette volonté forte d'adapter le travail et de permettre sa conciliation avec un engagement en faveur du lien social ou d'une cause. L'objectif de la proposition de loi que je vous présente n'est pas de remettre à plat les règles concernant la durée et l'organisation du travail. Ces principes découlent de lois anciennes, au fondement de notre droit du travail, et leur modification mérite une réflexion approfondie. Mais je crois que nous pouvons nous accorder sur l'urgence qu'il y a à soutenir le monde associatif, aux côtés de l'action de la puissance publique.

L'exercice de missions bénévoles ne bénéficie que d'une reconnaissance limitée dans le code du travail. Le congé d'engagement associatif constitue le principal dispositif pour libérer du temps aux salariés qui participent à la vie d'une association. Il apparaît cependant trop restreint : il s'adresse uniquement aux responsables associatifs – qui plus est, pour les seules associations d'intérêt général – et n'octroie aux salariés qu'un congé de six jours par an, éventuellement fractionnable en demi-journées. Au demeurant, sauf accord collectif plus favorable, ce congé n'est pas rémunéré. Il en va de même pour les agents publics.

La proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et simplifier la vie associative, rapportée par Quentin Bataillon au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, apporte quelques avancées, mais sa portée demeure trop limitée. Il est temps de prendre une mesure forte en faveur de nos associations qui ont avant tout besoin de s'assurer de l'engagement de leurs bénévoles, pour des missions qui répondent à leur quête de sens au quotidien.

La présente proposition de loi ne bouleverse ni les règles actuelles en matière d'organisation du travail, ni la relation entre l'employeur et le salarié.

Il est aujourd'hui possible, à l'image d'entreprises comme LDLC ou de collectivités comme la métropole de Lyon, d'introduire par accord d'entreprise, pour tous les salariés qui le souhaitent, la semaine de quatre jours, avec ou sans réduction du temps de travail. Il est également possible pour les branches de négocier sur ce sujet, mais force est de constater qu'aucune d'entre elles, selon la direction générale du travail, ne l'a fait.

En dehors de la négociation collective, réservée essentiellement aux entreprises de plus de cinquante salariés, le droit actuel peut apparaître très complexe pour des très petites, petites et moyennes entreprises qui n'ont pas la capacité de négocier un accord collectif relatif à la semaine de quatre jours. Il est en effet impossible pour l'employeur, à l'exception de rares secteurs où des dispositions réglementaires le prévoient, de mettre en place unilatéralement, même à la demande des salariés, la semaine de quatre jours.

Par ailleurs, la proposition de loi ne cherche pas à déstabiliser des organisations. La meilleure des solutions reste toujours la recherche d'un compromis entre nécessités liées à l'entreprise et volonté du salarié de libérer du temps. Néanmoins, la création d'un droit nouveau pour le salarié permettra de mettre à l'ordre du jour des négociations une nouvelle organisation du travail.

L'article 1er ouvre en effet un droit opposable à la semaine de quatre jours pour les salariés exerçant des missions de bénévolat. Sont concernés les salariés bénévoles et volontaires dans des associations et des fondations d'utilité publique déclarées depuis au moins un an. Je vous proposerai dans la discussion de limiter aux seuls bénévoles le bénéfice de ce dispositif, dès lors qu'il n'est pas dans l'intention du texte de favoriser le cumul d'un emploi salarié et d'un contrat de bénévolat.

En application de ce nouveau droit, le salarié éligible peut demander un aménagement de son temps de travail jusqu'à une organisation en quatre jours, qui constitue une borne maximale. La définition de cette organisation résultera d'une discussion avec l'employeur. Pour de nombreux salariés, une simple flexibilité de quelques heures d'un jour à l'autre suffira à mieux concilier vie professionnelle et engagement bénévole. Un amendement précisera ce point, tout comme la nécessité pour le salarié de présenter un justificatif à son employeur. Au cours de nos auditions, notamment avec les représentants de l'administration, il est en effet apparu qu'un formalisme, même limité, serait à même de sécuriser davantage le dispositif.

J'entends cependant les craintes des organisations syndicales quant aux risques pour la santé des salariés et il me semble important de préciser dans la loi que les services de prévention seront associés à la bonne mise en œuvre de la semaine de quatre jours.

L'article 2 reprend pour l'essentiel ces dispositions pour les agents publics en les adaptant au droit régissant l'organisation de leur travail, à une exception notable : la demande du salarié pourra être refusée pour assurer la continuité du service. C'est à la fois par nécessité de préserver le service public et par souci de se conformer au principe constitutionnel de sa continuité que cette précision me semble essentielle. En outre, je me félicite qu'un travail plus large sur la semaine en quatre jours puisse être entrepris dans la fonction publique : c'est la preuve que le dispositif que je défends est adapté à la situation actuelle.

Alors que nous nous retrouvons tous sur la nécessité de faire vivre notre tissu associatif, l'heure est venue d'engager une politique volontariste en faveur de son développement. J'espère que nous pourrons nous rejoindre sur cette proposition de loi, qui marque une étape importante dans la recherche d'une meilleure conciliation entre vie professionnelle et engagement associatif. Elle nous donne l'occasion d'envoyer un signal fort à ceux dont nous reconnaissons tous qu'ils sont indispensables à la vie et à l'attractivité de nos communes, petites ou grandes. Ne tremblons pas, soyons au rendez-vous pour eux.

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