S'agissant de la forme, plusieurs d'entre vous s'étonnent, ou s'offusquent, du nombre d'amendements – vingt-huit – que j'ai déposés en ma qualité de rapporteure. Je compte sur votre expérience de parlementaires pour comprendre qu'avec vingt-deux amendements rédactionnels, il n'en reste que six de fond, qui visent à renforcer la qualité et la viabilité du texte. Il n'y a là rien d'excessif : c'est un travail tout à fait légitime de consolidation du texte, en toute tranquillité.
Sur le fond, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, les auditions que nous avons menées, notamment celles des directions des caisses de retraite et de la direction de la sécurité sociale (DSS), ainsi que les contributions de certains représentants syndicaux des agents des caisses, ont montré que certains éléments méritaient des précisions ou une consolidation. Je l'assume sans difficulté et il est possible d'introduire des garanties dans le texte, qui a pour mérite de simplifier l'accès de nos concitoyens au droit.
Pourquoi avons-nous été élus députés ? Est-ce pour suivre, accompagner l'administration, ou pour fixer des priorités et des garde-fous qui permettent de garantir les droits de nos administrés ? Travaillons-nous au profit des directions des caisses ou de nos concitoyens ? Il y a un équilibre à trouver dans nos différents arguments.
Monsieur Le Gac, vous avez évoqué le risque que ceux qui prétendent bénéficier de leur droit à la retraite se voient refuser leur dossier. Le problème a été soulevé lors des auditions, auxquelles vous avez participé, par les directeurs des caisses. Nous en avons pris conscience et avons déposé un amendement pour sécuriser la proposition de loi. Il tend tout simplement à préciser que la pension temporaire ne pourra être versée qu'après un examen de la recevabilité de la demande de liquidation – qui est une phase essentielle.
Vous avez exprimé, en outre, la crainte d'une surcharge de travail pour les caisses. Quand on réforme les retraites, il en résulte effectivement une surcharge de travail – tout le monde se souvient de la promulgation de la dernière réforme, en avril dernier. Le texte que je propose demandera, selon les caisses elles-mêmes, des ajustements opérationnels. Si l'on souhaite réellement alléger la charge des caisses de retraite, une idée à suivre serait de cesser de réduire constamment leur personnel. De nouveaux schémas d'emplois permettraient de recruter de nouveaux agents pour aider les caisses à gérer toutes les démarches nécessaires – en tout cas si l'on accepte de prendre en compte la démographie vieillissante de notre pays et l'afflux dans les parcours de retraite.
Enfin, vous avez évoqué le risque de déresponsabilisation ou de changement de comportement des assurés si on leur donne un droit supplémentaire. Rien n'établit qu'il en sera ainsi. En l'occurrence, ce droit supplémentaire, c'est un bouclier social contre des situations dangereuses. Il sert à protéger les plus fragiles – des polypensionnés, des carrières hachées, des gens en rupture avec l'administration. Il s'agit d'éviter les ruptures de ressources pour des personnes qui se trouvent souvent dans des situations précaires et dont les dossiers sont, de fait, complexes. La mesure que nous proposons est tout à fait adaptée pour accompagner ces assurés et non, comme vous le sous-entendez, pour déréguler à outrance notre système de retraite.
Madame Loir, vous avez exprimé la crainte que cette proposition de loi mette en danger les retraités. Il s'agit, au contraire, d'accompagner les plus fragiles, en travaillant à hauteur d'assuré, en remettant de l'humain, de la proximité et du pragmatisme dans notre système de retraite. Ce texte permettra d'offrir une pension provisoire à ceux qui ont cotisé toute leur vie, qui ont travaillé dur mais qui, au moment fatidique et symbolique où ils devraient jouir pleinement d'une retraite bien méritée, se retrouvent sans ressources. Ce texte, loin de pénaliser qui que ce soit, est un outil d'accompagnement, qui consolide les dispositions du décret de 2015, dans une logique de simplification des démarches des assurés, lesquels se trouvent parfois dans une situation difficile face à l'administration.
Monsieur Turquois, vous avez exprimé des craintes au sujet du mode de calcul de la pension temporaire. Nous examinerons un amendement qui permettra d'éclaircir cette question. J'y ai travaillé à la suite des auditions, d'où sont ressorties quelques préconisations. Ce que nous avions proposé à l'origine n'était pas tout à fait adapté, je l'assume parfaitement. Nous avons donc décidé d'affiner le dispositif par voie d'amendement, dans une logique constructive, au service des assurés, car tel est le sens de notre travail de législateur. Nous proposons de ne pas se fonder sur des simulations réalisées à taux plein, mais sur une estimation indicative globale en fonction de l'âge effectif du départ à la retraite, afin que le montant versé soit plus adapté aux droits de l'assuré.