Notre collègue Dominique Da Silva a le mérite de la constance, car il défend la même position à chaque audition !
La valorisation du patrimoine HLM est une vieille lubie du ministère des Finances. Je me souviens avoir eu, lors du débat sur la loi Elan, de longues discussions sur ce sujet avec le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, et son secrétaire d'État, Julien Denormandie. Le mouvement HLM et moi-même avions fini par les convaincre que l'économie du logement avait besoin de marcher sur deux jambes, l'une privée et l'autre publique (ou socialisée), et que le modèle économique HLM, qui a fait ses preuves au fil du temps, reposait précisément sur le fait qu'il n'y a plus d'encours sur une partie du patrimoine, en raison de son âge, et que les gains réalisés par un organisme sur le patrimoine amorti lui permettaient de dégager des marges pour investir, produire ou réhabiliter. Cet équilibrage de long terme fait la solidité du système, à l'opposé du court-termisme de l'économie privée. Coexistent donc un segment privé et un segment socialisé et il ne faut surtout pas déséquilibrer cette mixité de l'économie du logement, qui a permis que, dans des moments de crise, les acteurs puissent se relayer selon que leur situation était plus ou moins bonne.
La crise que nous traversons aujourd'hui est à la fois une crise immobilière, une crise sociale et une crise du logement, qui met en difficulté aussi bien le secteur socialisé que le secteur privé, pour des raisons multiples sur lesquelles je ne m'étendrai pas. La loi Elan a mis un terme à la velléité de capitaliser le patrimoine HLM, en entérinant le fait qu'il s'agissait d'une économie de long terme. Du reste, la durée des prêts consentis notamment par la Caisse des dépôts et consignations pour construire ou acheter du foncier témoigne de cette vision de long terme, qui permet à la fois de proposer des loyers inférieurs au prix du marché et de jouer le rôle social qu'assume le mouvement HLM.
Il n'y a pas de rente de situation dans le patrimoine HLM, sinon à la marge. Ce qui bloque la mobilité dans ce parc est le fait que, dans le parcours d'ascension sociale du salarié français moyen, le passage du HLM à la primo-accession, qui précédemment était une simple marche, est devenu, en raison des écarts de prix, un obstacle infranchissable ; dans les zones tendues, la mobilité dans le parc HLM a été divisée par deux : alors qu'elle était de 10 % ou 12 % par an, elle est désormais de 4 % à 6 %. En une cinquantaine d'années, la part du logement dans le budget des ménages est passée de 9 % environ du revenu dans les années soixante à 30 % en moyenne aujourd'hui, la proportion étant beaucoup plus importante pour les familles les plus modestes.
Ce n'est donc pas en augmentant les loyers ni en remettant en cause la mixité de notre économie du logement qu'on trouvera des solutions, mais plutôt en renforçant des modèles qui ont permis à notre pays de faire de grandes choses qu'il ne parvient plus à faire aujourd'hui, parce que nous avons trop démantelé le système. Il faut sans doute l'adapter et le moderniser, mais sans remettre en cause ses fondamentaux.