S'agissant de la remise à plat des loyers, le mouvement HLM en fait régulièrement la demande. Sans être une spécialiste du sujet, l'idée me semble intéressante. Pour citer des cas que je connais, je peux dire que les logements construits dans les années cinquante, n'ayant pas fait l'objet de réhabilitation, sont à 4,50 euros par mètre carré. Une fois ces logements réhabilités, leur prix passe à 5 ou 6 euros par mètre carré. Les logements PLAI neufs coûtent plutôt 7,5 ou 8 euros par mètre carré : un allocataire du RSA n'a pas les moyens de payer un PLAI à 8 euros. Les ménages les plus pauvres, ceux des premier et deuxième quartiles, ne peuvent payer que les loyers les plus bas.
Dans ces conditions, comment refondre les modalités de calcul des loyers ? Faut-il les établir en fonction des ménages et non plus en fonction du type de prêt et de l'année de construction ? Une telle réforme serait aussi importante que celle de 1977, qui avait créé les aides au logement. Si ces aides parviennent plus ou moins à solvabiliser les ménages, on constate aussi que c'est un puits sans fond dans le parc privé : elles ont alimenté une forte augmentation des loyers au cours des vingt à trente dernières années, à laquelle l'encadrement des loyers tente désormais de remédier. La piste d'une remise à plat des loyers est intéressante, mais elle implique de revoir en profondeur le financement du logement social, les types et durées de prêt et les moyens des bailleurs sociaux. N'oublions pas néanmoins, comme je le disais dans mon propos liminaire, que 30 % des ménages qui ont obtenu un logement social à Villeurbanne entre 2022 et 2023 ont déjà une dette locative – et nous ne faisons pas exception.
Quant au logement intermédiaire, non soumis au processus d'attribution et aux cinquante critères de priorisation y afférents, ce n'est pas du logement social. Les élus locaux ne sont même pas informés quand un investisseur en logements intermédiaires passe un contrat. Ce n'est pas possible ! Il m'arrive d'apprendre, au détour d'une conversation avec un promoteur, qu'il vient de signer un contrat avec In'li, la filiale spécialisée du groupe Action Logement. On ne peut pas tout demander au maire, sans lui donner des outils de pilotage.
Vous dites qu'il faudrait envisager les logements sociaux en lien avec l'emploi. Pour ma part, je pense qu'il est difficile de lier toutes les mobilités dans un même mouvement, car il y a des ruptures dans les parcours de vie : on peut changer de logement sans changer d'emploi et inversement, sans parler de ceux qui n'ont pas d'emploi. Si vous regardez l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », vous verrez qu'une personne qui est au RSA depuis très longtemps a beaucoup de mal à accéder à l'emploi, même si elle bénéficie d'un logement social. Il faut évidemment construire des logements à proximité des zones d'emploi, mais il faut aussi veiller à ne pas enfermer les gens comme au temps des corons.
La volonté de maîtrise du foncier n'empêche pas les collectivités – et aussi l'État – de chercher à dégager des recettes foncières : tout le monde a besoin d'argent. Actuellement, il n'y a pas de mécanisme d'encadrement permettant de faire en sorte que le prix du foncier n'empêche pas la construction de logements abordables pour les classes moyennes qui veulent accéder à la propriété, soit aux alentours de 3 500 à 4 000 euros par mètre carré. Le sujet suscite l'intérêt de nombreux organismes, tels l'Institut de la transition foncière, qui devraient réussir à imaginer des mécanismes d'encadrement… de sorte qu'on évite d'en finir par construire des logements à 7 000 euros par mètre carré, qui ne trouvent pas preneurs.