Beaucoup a déjà été écrit sur la crise du logement, notamment par la Fondation Abbé Pierre, chaque année, et par le Conseil national de la refondation (CNR). Mes propositions et les points que je soulèverai manqueront donc peut-être d'originalité.
Il faut tout d'abord redire que la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dit loi « SRU », constitue un socle indépassable. On ne peut pas comptabiliser les logements intermédiaires pour respecter les quotas fixés par la loi : c'est une offre intermédiaire, qui n'est pas celle du logement social. Seuls 3 % des demandeurs de logement social pourraient en effet y prétendre. On a besoin de logements sociaux qui le soient vraiment, avec des plafonds de ressources.
Le directeur général du bailleur social que je préside m'a alertée sur le fait que 30 % des nouveaux entrants sont en dette de loyer au bout de moins d'un an. Même un parc de logements anciens, financés par des prêts locatifs à usage social (Plus), ne suffit pas aux ménages qui sont au-dessus du premier quartile de revenus ; pour ceux de ce premier quartile, ces logements sont inabordables. De vraies questions se posent donc pour les logements sociaux que l'on construit, leurs destinataires et leur adéquation aux besoins de la population et aux capacités financières des ménages.
De plus, introduire le logement locatif intermédiaire (LLI) comme un élément permettant de satisfaire aux quotas de la loi SRU risque de mener à une spécialisation des communes : certaines dans les logements sociaux, car elles en ont beaucoup construit ; d'autres dans le LLI. On aboutirait ainsi à une fragmentation et une polarisation des populations au sein des métropoles, certaines communes privilégiant l'accueil de ménages à revenus intermédiaires, c'est-à-dire des ménages relativement aisés.
Cette mesure annoncée ne doit donc pas être adoptée. On en voit dès à présent les conséquences dans le plan national que le Gouvernement a lancé pour sauver la promotion immobilière et que je ne conteste pas. Les loyers des logements intermédiaires sont très proches de ceux du marché, bien qu'ils soient présentés comme leur étant inférieurs de 20 %. Le marché n'est pas uniforme : à Villeurbanne, où l'encadrement des loyers a été instauré, nous avons cinq zonages, que les logements intermédiaires ne prennent pas en compte.
La question est donc de définir l'offre de logements que l'on développe et les niveaux de loyer, y compris aux plafonds des prêts locatifs sociaux (PLS) – ces logements PLS ont du mal à trouver preneurs, car les ménages cherchent plutôt des logements au niveau des plafonds du prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) ou du Plus.
Il faut aussi travailler sur les zonages, le logement intermédiaire et l'encadrement des loyers. Bien qu'il ne soit pas encore très répandu ni très efficace, l'encadrement est un vrai outil, qui nécessite une politique publique cohérente.
Deuxième élément : le bail réel solidaire (BRS), qui est un vrai moyen d'accéder à la propriété, notamment en cœur de métropole où les prix sont très élevés. Sans être propriétaire du foncier, on accède à la propriété du bâti à 30 % ou 40 % en dessous du prix du marché. Les organismes de foncier solidaire ne sont toutefois pas assez dotés.
Pour faire du BRS un véritable outil, une piste consisterait à réfléchir aux plafonds de ressources des ménages qui accèdent à ce bail. Ceux-ci peuvent être fragiles, puisqu'ils sont éligibles au logement social et qu'accéder à la propriété représente des frais supplémentaires. Il serait intéressant d'inventer plusieurs BRS, avec différents plafonds de loyer. Dans la métropole de Lyon, sans ces dispositifs permettant à des personnes d'accéder à la propriété, il n'y aurait aucun primo-accédant, car les prix y sont bien trop élevés. Pour acquérir un logement, il faut habituellement en avoir revendu un autre. On a donc là un effet de levier très important.
La président de l'Union sociale pour l'habitat (USH), Mme Emmanuelle Cosse, que vous avez auditionnée, le dirait certainement mieux que moi : les bailleurs sociaux sont en immense difficulté. À Villeurbanne, ils nous demandent de choisir entre rénover une copropriété, travailler sur les copropriétés dégradées ou construire, car ils ne peuvent mener de front ces trois volets. Nous les sollicitons sur tous les registres, mais ils n'ont plus les fonds propres nécessaires pour soutenir les plans d'investissement.
Les offices publics de l'habitat (OPH) satisfont les obligations des commissions intercommunales d'attribution, chargées de loger les premiers quartiles. L'écart s'accroît entre les entreprises sociales pour l'habitat (ESH) et les OPH s'agissant de ces obligations.
Il nous faut mobiliser les bailleurs sociaux pour qu'ils réalisent des plans stratégiques de patrimoine (PSP) à la hauteur des enjeux. Les dettes de loyers qu'accumulent les ménages diminuent d'autant leurs ressources pour ces plans.
Les demandes qu'adressent les bailleurs aux collectivités depuis quinze ans pour vendre des éléments du parc HLM soulèvent aussi des questions. Les bailleurs sont confrontés au fait que les ménages ont du mal à acheter – parmi les logements mis en vente, tous ne sont pas vendus. Ces ventes fabriquent les copropriétés dégradées de demain, puisque se trouvent parfois vendus des biens en mauvais état énergétique : lorsque les bailleurs ne sont plus majoritaires dans la copropriété, les ménages devenus propriétaires se trouvent en grande difficulté pour financer les travaux de rénovation nécessaires.
Il serait souhaitable que le bailleur social ait l'obligation de vérifier que l'ensemble des biens qu'il met en vente ne relèvent pas d'une classe énergétique G, F, voire E – il faut anticiper, compte tenu du temps nécessaire à la réalisation de la vente. Ce problème est récurrent : quatre membres de copropriétés différentes, qui venaient d'acheter leur logement auprès d'un bailleur social, m'ont indiqué qu'ils n'avaient pas l'argent pour rénover.