Certains chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2017, l'ANSM recensait 530 MITM en rupture de stock ou sur le point de l'être. Ces signalements se sont élevés à 1 500 en 2022 et à presque 5 000 en 2023, soit une multiplication par dix. Où va-t-on ?
Derrière ces chiffres, il y a l'épuisement des patients qui errent en vain de pharmacie en pharmacie en quête de médicaments parfois vitaux. Il y a l'épuisement et l'impuissance des parents, qui ne parviennent pas à soigner leurs enfants alors que des traitements existent. C'est vraiment rageant. Une pénurie de traitements contre la bronchiolite a été constatée. Il y a aussi le désespoir des personnes âgées, réduites à prendre leur mal en patience, mais aussi les burn-out des soignants qui se démènent pour pallier les pénuries avec les moyens du bord.
Comment en est-on arrivé là ? C'est le résultat de décennies de marchandisation de la santé et de cadeaux faits aux multinationales du médicament – dont le seul objectif est de verser plus de dividendes à leurs actionnaires. C'est aussi le résultat d'un quinquennat d'inaction.
La proposition de loi du groupe Socialistes et apparentés va donc dans le bon sens. Les laboratoires pharmaceutiques ont l'obligation d'assurer un approvisionnement pérenne pour les médicaments qu'ils commercialisent. Ce texte propose de fixer un seuil minimal de réserves que devront constituer des industriels pour anticiper les périodes de forte demande. Il a aussi le mérite d'augmenter les sanctions à l'encontre des laboratoires qui ne respectent pas leurs obligations. Nous voterons donc pour.
Mais est-ce suffisant ? Non : le manque de stocks n'est pas la seule raison des pénuries. Il faut un grand plan d'urgence pour sécuriser l'approvisionnement en médicaments.
Cela passe évidemment par la création d'un pôle public du médicament ayant vocation à assurer l'approvisionnement, notamment en médicaments stratégiques. Tel est le sens de la proposition de loi déposée par mon collègue Damien Maudet, qui est soutenue par 90 % des Français.
Cela suppose aussi de conditionner les aides aux multinationales du médicament, notamment le crédit d'impôt recherche (CIR). Tel est l'objet d'un amendement que nous avons déposé. Comment l'entreprise Sanofi a pu supprimer encore 400 postes en 2021, alors qu'elle a bénéficié en dix ans de plus de 1 milliard d'euros d'exonérations d'impôts au titre du CIR ? Il faut rendre plus transparentes les aides publiques dont bénéficient les multinationales, mais aussi revoir les modalités de fixation des prix. Hélas, nos amendements sur ce dernier sujet ont été déclarés irrecevables.