Rien ne pouvait justifier qu'en 1972 le ministère de l'agriculture autorise la mise sur le marché du chlordécone alors que sa toxicité était déjà scientifiquement connue depuis 1963 et que la Commission des toxiques avait refusé par deux fois son homologation.
Rien ne pouvait justifier que le 2 avril 1976, soit un peu moins d'un an après l'incident de l'usine de Hopewell aux États-Unis et ses conséquences sanitaires graves à la suite de l'exposition au chlordécone, la France prolonge l'autorisation provisoire de cette substance.
Rien ne pouvait justifier, en 1981, l'homologation du chlordécone, alors que l'OMS avait classé la molécule comme cancérigène possible dès 1979, et que des rapports de 1977 et 1980 faisaient état de niveaux de contamination inquiétants des sols, des milieux marins, des plantes et de certains animaux.
Surtout, rien ne pouvait justifier que les pouvoirs publics français autorisent, comme ils l'ont fait, l'utilisation sur les sols martiniquais et guadeloupéens du chlordécone, interdit sur son territoire hexagonal en 1992 puis en 1993.
Pourtant, ces décisions ont été prises en connaissance de cause. Le temps est désormais à la reconnaissance de la responsabilité et à la réparation. Pour réparer et restaurer la confiance, il est nécessaire que la responsabilité des décideurs politiques soit publiquement établie. Ce travail de mémoire est aussi utile pour permettre de se rappeler les erreurs du passé et éviter de les reproduire.