Les Antillais sont-ils des sous-citoyens ? Voilà la question que pose le chlordécone, ce pesticide longtemps répandu dans la culture de la banane. Ce pesticide commence à être utilisé en 1972 et quasiment dès le départ, on sait. On sait qu'il pollue les sols et les eaux, qu'il est cancérigène. Dès 1976, la justice américaine condamne les industriels producteurs et protège les travailleurs : elle interdit le produit. En France, l'affaire traînera vingt ans de plus. Pourquoi ? Parce que l'intérêt des planteurs est passé avant celui des travailleurs, l'économie avant la vie. C'est arrivé aussi parce que c'était dans les îles – dans l'inconscient, d'anciennes colonies. Elles sont loin, leurs habitants peuvent être considérés comme des sous-citoyens. Du coup, les dégâts sont immenses. Plus de 90 % des populations sont contaminées ; d'après l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, le produit pourrait mettre cinq siècles à disparaître ; il provoque des cancers de la prostate.
La République a failli, sa justice a failli : en 2006, des associations guadeloupéennes et martiniquaises ont déposé une plainte, mais en quatorze ans la justice n'a rien fait, ou pas grand-chose, jusqu'à ce que le délai de prescription soit épuisé et la procédure éteinte.
Même s'il est tard, nous devons reconnaître que les Antillaises et les Antillais sont des citoyens ; la République française doit reconnaître sa responsabilité dans les préjudices sanitaires, écologique et économique subis et s'assigner les objectifs de dépolluer les terres et les eaux, ainsi que d'indemniser les victimes.
Il s'agit d'acter que les Antillais ne sont pas des sous-citoyens.