Notre République a failli. Elle doit reconnaître ses responsabilités dans les préjudices subis par les territoires de Guadeloupe et de Martinique du fait du maintien sur le marché des produits à base de chlordécone. Ne laissons pas la minorité présidentielle vider cette proposition de loi de son contenu. Dès 1976, la justice américaine reconnaissait les dangers du chlordécone, qui est alors interdit. En 1979, l'OMS qualifie le chlordécone de cancérigène possible. C'est à son principe fondamental d'unité et d'indivisibilité que notre République a manqué quand, en 1990, elle a interdit l'utilisation de ces produits en métropole tout en l'autorisant par voie dérogatoire sur les territoires de Guadeloupe et de Martinique, contribuant ainsi à créer deux régimes de droit différents. Notre République n'a donc pas seulement failli à protéger ses citoyennes et ses citoyens des effets de ce pesticide toxique : elle les a différenciés selon qu'ils habitaient en métropole ou aux Antilles.
Le constat est sans appel : la quasi-totalité des Antillais, 92 % en Martinique et 95 % en Guadeloupe, ont été contaminés. Pendant des décennies, ce produit toxique a pénétré les nappes phréatiques, les rivières, les mers, les poissons, les cheptels, les fruits et les légumes. Cette contamination affecte le biotope et la santé des individus : elle accroît le risque de cancer de la prostate, d'accouchement prématuré, perturbe le système hormonal et le développement de l'enfant.
Notre République a failli, les victimes doivent obtenir réparation. L'indemnisation existante, soumise à des critères complexes et restrictifs ne concerne que les travailleurs. Chaque individu ayant été exposé doit pouvoir obtenir réparation.
Reconnaître la responsabilité de notre République et permettre l'indemnisation des victimes constitue un premier pas. Je remercie le groupe Socialistes pour cette initiative. Nous pensons cependant qu'il faut aller plus loin. Nous souhaitons engager un plan d'urgence pour la dépollution et la décontamination rapides des régions durablement polluées, priorité étant donnée aux Antilles. Il faut aussi créer une autorité administrative indépendante chargée d'indemniser les victimes et une commission de suivi des politiques publiques de lutte contre les effets du chlordécone.