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Intervention de Olivier Faure

Réunion du mardi 13 février 2024 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Faure, rapporteur :

Je vous remercie de m'accueillir dans votre commission.

Le principe a été exposé par le Cojop (Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques) : les Jeux doivent payer les Jeux. L'accroissement de l'offre de transport va engendrer un surcoût estimé à 200 millions d'euros. Qui doit payer ? La proposition de loi offre une autre voie que le doublement des tarifs des transports publics franciliens pendant la période des Jeux, annoncé par la présidente de la région en novembre dernier. Les Jeux olympiques et paralympiques doivent rester une fête populaire à laquelle tous soient associés, y compris ceux qui n'auront pas la chance d'assister directement aux compétitions. Il s'agit également d'éviter à la région – je m'adresse à ceux qui appartiennent à la majorité régionale – de subir la colère d'usagers qui seront pénalisés alors même que les Jeux se déroulent chez eux et qu'ils n'y ont pas accès.

Cette augmentation tarifaire d'ampleur – le doublement du prix des billets à l'unité ou hebdomadaires – touchera de façon indifférenciée tous les usagers, qu'ils soient spectateurs ou franciliens. La mesure est profondément injuste et inéquitable, en ce qu'elle revient à faire contribuer les résidents franciliens, tout particulièrement les populations les moins aisées, qui utilisent des tickets à l'unité parce qu'elles ne disposent pas d'un abonnement, payé pour partie par l'employeur, et qui ne participeront pas aux Jeux olympiques. Les titres à l'unité sont en effet plus fréquemment utilisés par les personnes les plus éloignées d'une situation d'emploi classique – les chômeurs, les travailleurs précaires, les retraités et les inactifs. Les personnes résidant en Île-de-France susceptibles d'utiliser les transports en commun durant les Jeux sont également celles qui ne partiront pas en vacances pour des raisons financières. Je pense notamment aux plus jeunes, qui devront passer l'été en regardant les Jeux à la télévision sans pouvoir se déplacer.

Alors que les Jeux devraient être l'occasion de festivités populaires, l'injustice de la mesure est de nature à dégrader leur image, en alimentant l'idée qu'ils sont destinés à des populations non résidentes et très favorisées, au détriment des populations locales, qui n'auront pas accès aux compétitions mais devront contribuer, à leur insu, à l'augmentation de l'offre de transport. C'est également un très mauvais signal écologique : la tarification très élevée n'incitera pas à recourir aux transports en commun et contribuera à accroître la pollution, les nuisances sonores et la congestion routière. Depuis Sydney en 2000, toutes les villes olympiques, à l'exception de Rio, ont significativement fait le choix de la gratuité, au moins pour les spectateurs munis d'un billet, afin d'améliorer la gestion des flux de personnes et de réduire au minimum la circulation routière. Paris 2024 fait ainsi un choix à contre-courant.

Les auditions que j'ai conduites auprès d'Île-de-France Mobilités (IDFM), du Cojop, des services du ministère des transports mais aussi de la Ville de Paris, du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis et de l'association d'usagers Plus de trains m'ont permis d'aboutir à la conclusion suivante : cette décision n'a malheureusement pas fait l'objet d'une concertation au sein de l'écosystème des Jeux et des acteurs publics et rien n'a été fait pour en atténuer les conséquences sociales, environnementales et organisationnelles. D'après son audition, IDFM en sous-estime largement l'impact pour les Franciliennes et les Franciliens.

Si l'autorité organisatrice invite les usagers à anticiper l'achat de leurs tickets et billets avant le 20 juillet 2024, cette solution s'adresse à des personnes informées, en mesure d'avancer des frais et d'anticiper l'ensemble de leurs déplacements pendant les sept semaines. Rappelons que les Jeux paralympiques se dérouleront en pleine rentrée scolaire et que la période qui sépare les Jeux olympiques des Jeux paralympiques est également touchée par le doublement de la tarification. L'étendue et la nature des périodes concernées rendent particulièrement difficile l'achat de billets par anticipation, d'autant que celui-ci représente un effort de trésorerie significatif pour une famille modeste.

Lors de son audition, IDFM a présenté l'abonnement Navigo Liberté + comme une solution permettant de bénéficier de tickets de métro à 1,73 euro pendant les Jeux. Ce service, méconnu et peu répandu, nécessite un prélèvement mensuel sur un compte bancaire, excluant de fait ceux qui n'en disposent pas. Mais surtout, il ne couvre pas les trajets réalisés en RER ou en train hors de Paris. Les usagers de la grande couronne, dont je suis l'élu, ne peuvent qu'y voir une forme de mépris social auquel je vous appelle à renoncer. IDFM a renoncé à étendre la couverture de ce dispositif pour les Jeux et n'a pas engagé de véritable campagne de communication pour le faire connaître.

Ce matin, les parlementaires ont reçu des mails les informant des deux solutions très insuffisantes que je viens de vous présenter, pour essayer d'allumer un contre-feu.

Ce que je propose, c'est d'aller chercher des sources de financement plus justes et équitables, qui n'ont pas été suffisamment étudiées. La responsabilité du Cojop est patente. Selon le principe rappelé en audition par Pierre Cunéo, responsable des transports au sein du Comité, les Jeux auraient dû financer les Jeux. Il aurait été légitime que les recettes qui en seront tirées couvrent les surcoûts associés pour le système de transport public, comme le Comité s'y engageait jusqu'à une date récente, conformément au dossier de candidature déposé par la Ville de Paris en 2017. La décision d'augmenter les tarifs, prise unilatéralement par IDFM, a eu lieu après que le Cojop a renoncé à prendre en charge la gratuité des transports en commun pour les spectateurs munis de billets, pour laquelle il avait prévu une enveloppe de 50 millions d'euros. Le surcoût est estimé à 200 millions. C'est dire aussi l'écart entre ce qui était prévisible, et que le Cojop s'engageait à financer, et ce qui restera à la charge des Franciliens : 150 millions.

Cette décision doit plus largement nous conduire à nous interroger sur notre système de financement des transports franciliens. Elle témoigne en effet d'une impasse budgétaire pour l'année 2024 que les négociations récentes avec l'État, qui ont donné lieu à deux missions d'inspection, un protocole d'accord et plusieurs mesures adoptées dans la dernière loi de finances, n'ont permis ni d'anticiper, ni de résoudre. Le protocole d'accord que vous connaissez, signé le 26 septembre 2023 entre l'État et IDFM, ne prévoit pas de mesures spécifiques pour éviter aux Franciliens de supporter le surcoût des Jeux olympiques. Tout l'objet de notre proposition de loi est de ramener la transparence dans ces débats, en actant un gel des tarifs des transports publics pour 2024 et en affectant à IDFM une recette supplémentaire exceptionnelle pour la période des Jeux.

À cette fin, la proposition de loi prévoit de doubler le montant de la taxe additionnelle à la taxe de séjour affectée à IDFM pour les nuitées comprises entre le 1er juillet et le 31 décembre 2024, de façon à atteindre avec certitude le montant estimé de 200 millions d'euros. La taxe de séjour est un bon choix : elle permet de cibler les touristes et les visiteurs qui bénéficient largement des transports franciliens sans y contribuer fiscalement ; elle représente un faible surcoût proportionnellement au coût de la nuit et n'a pas d'effet désincitatif sur la fréquentation touristique, ou très peu ; elle est indolore, y compris au niveau microéconomique.

L'augmentation proposée porterait temporairement le montant de la taxe de séjour par nuitée et par personne à Paris à 5,25 euros dans un hôtel deux étoiles, contre 3,25 actuellement. Si le taux de 400 % a pu en effrayer certains, en réalité, les augmentations sont très raisonnables, particulièrement dans un contexte de flambée des coûts de l'hébergement pour les Jeux. Je reprends l'exemple de l'hôtel Paris Vaugirard, cité par Le Parisien : à la même époque en 2023, le coût de la chambre dans ce trois-étoiles était de 90 euros ; au moment des JO, il passe à 1 363 euros. L'augmentation est de 1 414 % ! Toutefois, à la suite de mon audition du secteur hôtelier et en écho à certains amendements, j'ai cherché un compromis acceptable par tous et déposé un amendement visant à rendre plus progressive l'augmentation de la taxe de séjour selon la catégorie d'hébergement, ce qui permettrait d'éviter un surcoût pour les catégories les plus populaires – encore que, un trois-étoiles, c'est 1 300 euros…

Aux termes de cet amendement, le montant de la taxe de séjour resterait inchangé pour les hôtels classés deux étoiles et moins. Le taux de la taxe additionnelle régionale irait de 400 % pour un trois-étoiles, ce qui ferait revenir la taxe de séjour à 8,40 euros, à 1 000 % pour un palace, soit 51,75 euros par personne et par nuitée, pour des nuits coûtant plusieurs milliers d'euros. Je serai également favorable à l'amendement déposé par Clémence Guetté, issu du rapport de l'Inspection générale des finances de 2023, visant à instaurer une contribution de 1 à 3 euros pour les passagers embarquant ou débarquant dans les trois grands aéroports – Charles de Gaulle, Orly et Le Bourget. L'adoption de cet amendement me permettrait d'en redéposer un autre en séance publique, afin d'éviter de mettre les trois-étoiles à contribution.

J'attends beaucoup de nos débats en commission pour parvenir à une proposition qui répartira de façon plus juste et équitable l'effort attendu pour financer les transports franciliens pendant les Jeux. J'appelle les groupes à réagir à une mesure qui va à l'encontre du principe même de Jeux festifs et populaires. Enfin, cette proposition est aussi une façon de poser la question du financement des transports franciliens. Je ne voudrais pas que nous nous habituions à l'idée que la variable d'ajustement est les usagers eux-mêmes. Tout surcoût généré par un accroissement des transports ou par la tenue d'événements extraordinaires doit être pris en charge par d'autres moyens qu'une augmentation du prix des transports, qui pèse d'abord sur les plus modestes.

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