Éditorialistes donneurs de leçons, chroniqueurs douteux, course au buzz, machine de propagande… Comment fonctionne vraiment la chaîne BFM TV ? » Voici comment le rapporteur de votre commission a parlé de BFM sur le réseau social X en début d'après-midi.
Nous nous présentons aujourd'hui devant vous avec tout le respect que nous devons à la représentation nationale et à votre commission d'enquête. Nous nous présentons devant vous avec tout le sens des responsabilités qui caractérise les dirigeants de la première chaîne d'information de France, respectueux du pluralisme. Ce sens des responsabilités nous a conduits à accueillir sur nos antennes votre rapporteur, neuf fois, et cinquante membres de son parti au cours des douze derniers mois. Permettez-nous donc de nous étonner en préambule de ce qui ressemble à des a priori, à un préjugement, à une caricature à la limite de l'insulte.
Sur le fond, cette audition est l'occasion pour nous de présenter un bilan de notre groupe sur la TNT.
Notre engagement dans le paysage médiatique a pris une dimension significative en 2015 lorsque Altice est entré au capital de NextRadioTV, puis en 2018 lorsque le CSA en a autorisé le rachat.
NextRadioTV, qui avait été créée en 2000 par Alain Weill, a réuni des marques puissantes, qui sont devenues des références – BFM, RMC et ses déclinaisons. Depuis 2015, notre engagement envers les Français n'a cessé de se renforcer. Nous avons travaillé pour innover et proposer des contenus d'information de qualité dans un environnement toujours plus concurrentiel. Nous avons lancé dix chaînes locales : à Paris, Lyon, Lille, Marseille, Nice, Toulon, Strasbourg, dans les Alpes et en Normandie. Nous investissons massivement dans le numérique pour accompagner les évolutions des usages et du secteur.
Notre démarche est réfléchie. Elle associe médias traditionnels et numériques, informations nationales et locales, télévision et radio. Elle nous a permis de développer ces dix dernières années un groupe de médias incontournable, qui a vocation à s'inscrire durablement dans le paysage audiovisuel français.
Altice Media est le troisième groupe audiovisuel privé en France. 100 % des Français ont consulté l'une de nos antennes en 2023 – c'est l'une de nos spécificités – et nous rassemblons près de 50 millions de téléspectateurs chaque mois. Altice Media compte la première rédaction privée de France, avec plus de 800 journalistes. Notre expertise reconnue en matière d'information, qu'elle porte sur l'actualité nationale, internationale, économique, sportive, politique, sociale ou locale, s'accompagne d'une offre de documentaires et de connaissances avec RMC Découverte et RMC Story. Nous sommes le seul groupe dont l'offre est exclusivement tournée vers l'information, le sport et le documentaire.
Nos trois chaînes TNT sont rentables – cela fait aussi partie de nos spécificités –, ce qui nous permet d'investir et de croître. La rentabilité est une condition pour développer la meilleure offre pour le public. Depuis 2015, grâce à notre rentabilité, nous avons recruté et renforcé nos effectifs ; nous avons investi plus de 110 millions d'euros dans des documentaires français et européen ; nous sommes passés de quatre studios à une vingtaine, dotés du plus haut niveau de technologie.
La particularité d'Altice Media est de s'être construit sans ce que l'on appelle une chaîne mère, c'est-à-dire sans pouvoir compter sur des numéros de chaînes attractifs. Nous avons donc démarré dans une position de challenger qui nous a incités à être encore plus innovants et plus agiles pour développer nos marques et devenir davantage leader chaque année. Nous avons ainsi été pionniers dans les synergies entre nos offres télé, radio et numérique afin de proposer une expérience unique à notre public. L'audience de RMC est la plus jeune des radios généralistes. L'audience de BFM TV est la plus jeune des chaînes d'information. Nos contenus se démarquent par leur dimension populaire et fédératrice.
Nous avons démontré notre capacité à investir et à être précurseurs. Notre ambition de développement est forte. Nous avons été candidat en 2022 pour reprendre les chaînes TFX et 6ter. Bien que ce projet ait été interrompu par l'abandon du projet de fusion entre TF1 et M6, notre ambition et notre volonté de développement restent intactes.
Nous sommes particulièrement fiers de BFM TV, représentée ici par son directeur général Marc-Olivier Fogiel et son directeur de la rédaction Philippe Corbé. La marque BFM est devenue la référence de l'information en France. La chaîne doit sa réussite aux femmes et aux hommes de sa rédaction, soit plus de 400 journalistes, incluant la rédaction digitale – de très grands professionnels de tous horizons et de toutes origines. Je tiens ici à saluer leur travail quotidien rigoureux. Grâce à eux, BFM TV est unique dans le paysage. Elle traite toutes les actualités, sur tous les terrains est à destination de tous les Français.
En 2023 comme les années précédentes, la chaîne a été au cœur de tous les événements marquants, en France ou à l'étranger, et elle le sera en 2024. La spécificité de BFM TV tient à sa capacité à produire une information fiable, de qualité, vérifiée, recoupée et accessible à tous les Français, dans le respect de principes déontologiques très affirmés qui sont inscrits dans notre charte de déontologie, articulée autour de cinquante engagements très précis. L'objectif est de continuer à être présents partout, sur tous les terrains, sur tous les supports et auprès de tous les Français – car, contrairement aux idées reçues, les jeunes regardent aussi beaucoup BFM TV.
Les deux chaînes RMC Découverte et RMC Story, représentées ici par leur directeur général, Stéphane Sallé de Chou, sont centrées sur l'apport de connaissances. Depuis 2018, nous avons consenti d'importants investissements pour fidéliser leur public autour d'une ligne éditoriale très identifiée laissant une très large place au documentaire. En 2023, elles ont diffusé près de 8 000 heures de documentaires. Les formats de ces chaînes sont très ambitieux, malgré des conventions parmi les plus contraignantes de la TNT.
Cet engagement sans égal et le choix de programmes singuliers s'appuient sur la conviction très forte qu'il est possible de proposer des documentaires populaires qui s'adressent, là encore, à tous les Français. À vrai dire, cela marche : selon les sondages récents, ce sont les deux chaînes préférées des Français sur la TNT.
Nous avons à cœur de proposer la meilleure offre à nos téléspectateurs, dans le respect du pluralisme et de nos obligations réglementaires et conventionnelles. Je voudrais appeler votre attention sur quelques points qui nous semblent cruciaux.
Votre commission d'enquête s'intéresse aux acteurs autorisés par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui évoluent dans un cadre très contraint – le plus contrôlé, scruté, sanctionné. Or, depuis le lancement de la TNT en 2005, le paysage a radicalement changé ; la France, les usages, nos vies ont radicalement changé. Dans le secteur des médias, soyons lucides, deux univers coexistent désormais : l'univers ultrarégulé de l'audiovisuel et l'univers non régulé, ou si peu, du numérique.
Parce que nous sommes résolument optimistes, nous avons la conviction que l'année 2024 sera une année d'opportunités pour le paysage audiovisuel. En témoigne votre commission d'enquête. L'année sera aussi marquée par les états généraux de l'information et par le renouvellement de quinze fréquences de TNT. Par ailleurs des consultations viennent d'être lancées par le ministère de la culture pour faire évoluer, espérons-le, la réglementation publicitaire.
Nous souhaitons que l'année 2024 permette de renforcer le paysage audiovisuel français. Mais pour cela, il nous faut tous être lucides et ambitieux. Nous devons réviser certaines règles inadaptées, qui sont souvent le fruit de lois très anciennes ou de circonstance. Parallèlement, il convient de s'attaquer enfin à la régulation des contenus numériques, en particulier des contenus d'information. C'est un sujet autant de société que d'éducation et de souveraineté. Les défis sont colossaux.
La question recouvre trois aspects : l'attribution, les contenus et le contrôle des autorisations.
S'agissant de l'attribution, la procédure de l'Arcom donne d'ores et déjà de nombreuses garanties : la consultation des parties prenantes ; le contradictoire à toutes les étapes ; la possibilité de recours. En revanche, le paysage capitalistique de la TNT est aujourd'hui figé, sclérosé. Est-il encore pertinent d'interdire la cession d'une chaîne pendant cinq ans après l'obtention de l'autorisation d'émettre ? Cette règle n'a plus vraiment de sens. Il en est de même pour la règle interdisant à une même personne la détention de plus de 49 % du capital d'une chaîne TNT faisant plus de 8 % d'audience moyenne ou les seuils plurimédia. Tous les rapports – et ils ne manquent pas – publiés par le ministère de la culture, l'Autorité de la concurrence, l'Inspection générale des affaires culturelles, l'Inspection générale des finances… vont dans le même sens : il faut changer d'approche sur le contrôle des concentrations.
Autre exemple, les chaînes locales. Nous sommes particulièrement fiers de notre projet de développement de chaînes dans les régions. Nous avons créé dix chaînes locales, pour lesquelles nous avons recruté plus de 250 personnes, dont 200 journalistes. Aucun groupe n'a lancé dix chaînes locales, encore moins dans un laps de temps si court, et aucun groupe n'a autant recruté ces dernières années. Et pourtant, nous subissons une réglementation tout à fait inadaptée. Est-il vraiment pertinent aujourd'hui d'interdire à un groupe comme le nôtre de développer un réseau complet dans les régions ? Peut-être ne le savez-vous pas, notre groupe ne peut pas couvrir avec une de ses chaînes locales plus de 19 millions de Français, hors Île-de-France. De telles règles sont-elles encore adaptées à l'heure où Facebook et YouTube sont les premiers acteurs de la publicité locale, et alors que les stations de France 3 sont présentes sur tout le territoire ?
En ce qui concerne les contenus, le financement des programmes reste la pierre angulaire. Le fait de proposer des programmes et une information indépendante de qualité a un coût. Le ministère de la culture et l'Arcom viennent de publier une nouvelle étude sur l'évolution du marché de la communication et son impact sur le financement des médias par la publicité, confirmant les difficultés du secteur et la décroissance du marché linéaire. Là encore, nous avons bien du chemin à parcourir pour lever les restrictions en matière de publicité télévisée.
L'autre nerf de la guerre pour les médias audiovisuels est l'accès à leurs contenus. La TNT est un moyen de diffusion important, essentiel pour une partie de la population. Nous y croyons, et nous sommes candidats au renouvellement de l'autorisation de nos fréquences, mais il est tout aussi important d'être accessible et visible sur toutes les plateformes. L'exposition de nos chaînes ne doit pas être pénalisée par les technologies nouvelles, les moyens de distribution, les télévisions connectées – bref, tous les modes de consommation actuels.
L'exposition des chaînes locales mérite aussi d'être revue. On se plaint de la place que prennent les plateformes américaines dans la vie de nos concitoyens, mais elles sont accessibles en un clic, là où l'accès aux chaînes locales est un parcours du combattant !
Enfin, le contrôle des autorisations devrait permettre de rééquilibrer les contraintes entre les entreprises de médias traditionnelles et les acteurs du numérique. Netflix et Amazon Prime ont toute latitude pour modifier leur offre à tout moment ; le cadre conventionnel devrait permettre aux acteurs qui s'engagent sur la TNT d'adapter plus facilement leur offre en fonction de l'évolution des usages des consommateurs. Il convient aussi de revoir le calendrier des sanctions, qui sont infligées par le régulateur parfois plusieurs années après un manquement : pour une régulation efficace, il est indispensable qu'elles soient prononcées dans des délais raisonnables.
Pour conclure, les acteurs de la TNT sont certainement les plus vertueux aujourd'hui compte tenu du cadre dans lequel s'inscrit leur action – restrictions réglementaires, engagements conventionnels, charte de déontologie, comité d'éthique. Nous sommes ceux sur lesquels pèsent les contraintes les plus nombreuses. Nous sommes ceux qui investissent le plus massivement dans la création, la formation, la technologie, ainsi que dans les hommes et les femmes. Nous sommes ceux qui prennent le plus de risques. Le statu quo n'est plus possible, sinon le risque est réel qu'il y ait beaucoup moins de réponses, dans dix ou quinze ans, à un appel à candidature parce que de nombreux acteurs auront disparu, étouffés par les règles, la fiscalité, le déséquilibre avec les acteurs du numérique. Nous vous appelons donc à prendre en considération ce contexte lorsque vous élaborerez vos propositions.