La protection des mineurs est une mission centrale et historique du régulateur audiovisuel, qui l'a activement mise en œuvre dans le cadre fixé par le législateur. Il opère sur les contenus, notamment grâce à la signalétique jeunesse, et sur les usages – dès 2008, il s'est préoccupé du rapport des enfants aux écrans.
L'Arcom mène des actions de nature différente : de régulation, en intervenant, si nécessaire, auprès des services de communication audiovisuelle sur le fondement des textes, un pouvoir réglementaire lui ayant été confié par le législateur ; de sensibilisation, dans deux campagnes annuelles ; d'éclairage du Parlement et du Gouvernement. Un comité d'experts du jeune public accompagne ses réflexions. Elle se préoccupe également de la protection des mineurs en ligne et entretient des échanges nourris avec de nombreuses autorités, comme le Défenseur des enfants et le Défenseur des droits, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), l'Autorité nationale des jeux (ANJ) et l'Agence nationale des fréquences (ANFR).
Les articles 1er et 15 de la loi du 30 septembre 1986 ont confié à l'Arcom la mission de protéger les mineurs, qu'ils utilisent les services audiovisuels ou qu'ils y interviennent. Cette compétence fondamentale a conduit l'Autorité à édicter une douzaine de recommandations ou délibérations. Il s'agit d'un ensemble de mesures qui s'imposent aux chaînes dans un objectif de protection des mineurs.
Certaines prévoient des règles de classification des programmes et des restrictions horaires de diffusion. Des délibérations visent à protéger certaines catégories de mineurs. Une délibération du 22 juillet 2008 vise ainsi à protéger les enfants de moins de 3 ans des effets de la télévision. Elle a été prise alors que des chaînes bébé arrivaient en France, ce qui avait suscité une réprobation nette des spécialistes du monde de l'enfance. Fondée sur un avis du ministère de la santé, après consultation de l'ensemble des experts, elle a relevé les effets néfastes de l'exposition des tout-petits à la télévision et a formulé des conseils. Elle a aussi interdit aux éditeurs établis en France de diffuser ou de promouvoir des programmes présentés comme spécifiquement conçus pour les enfants de moins de 3 ans. Elle continue d'être appliquée.
Une délibération du 17 avril 2017 vise à protéger les mineurs qui interviennent dans une émission, pour préserver leur vie présente et leur avenir. D'autres concernent la protection du jeune public face à la pression publicitaire – je pense en particulier à celle qui fixe les règles pour la diffusion de communications commerciales en faveur des jeux d'argent et de hasard.
L'Arcom a fait le choix dès 2005 de créer un comité d'experts du jeune public, composé de professionnels aux compétences variées et complémentaires, en prise direct avec le monde de l'enfance, des pédiatres, des psychologues, qui accompagnent ses réflexions, afin d'adapter sa régulation. Il compte également des chercheurs et des représentants institutionnels du monde de l'enfance. Éric Delemar en fait partie, et Serge Tisseron en a été membre.
J'en viens au dispositif central de protection des mineurs à la télévision : la signalétique jeunesse et la classification des programmes. Dès sa création en 1982, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) avait pris conscience de la nécessité de protéger les enfants et les adolescents et avait élaboré une première directive. En 1996, il a fait le choix d'une signalétique. Au mitan des années 2000, il y a ajouté des indications d'âge explicites. La signalétique actuelle a été fixée dans une réglementation du 7 juin 2005, s'agissant des services de télévision, et dans une délibération du 20 décembre 2011, pour ce qui est des services audiovisuels à la demande, que sont la télévision de rattrapage et la vidéo à la demande. Ainsi, qu'il soit diffusé sur M6 ou sur 6play, l'épisode d'une série sera accompagné de la même signalétique.
Cinq catégories de programmes ont été définies : tout public, déconseillé aux moins de 10 ans, de 12 ans, de 16 ans et de 18 ans. À ces catégories correspondent des restrictions horaires. En journée, seuls les programmes tout public ou déconseillés aux moins de 10 ans peuvent être diffusés, ces derniers ne devant pas l'être pendant les programmes jeunesse. Sauf exception, les programmes déconseillés aux moins de 12 ans ne peuvent pas être diffusés avant vingt-deux heures, et pas avant vingt-deux heures trente pour les programmes déconseillés aux moins de 16 ans. Il y a également des interdictions suivant les jours, pour protéger efficacement les mineurs.
Ce sont les chaînes qui classifient les programmes avant leur diffusion. À la demande de l'Arcom, elles ont constitué des comités de visionnage en leur sein. Pour les aider, l'Arcom a établi un certain nombre de critères, qui devaient rester le plus souple possible pour s'adapter aux contenus et à l'évolution de la société : le nombre et la nature de scènes violentes, leur caractère gratuit ou indispensable au scénario, la violence envers des enfants, la représentation des actes sexuels, la psychologie des personnages, la mise en scène, le traitement de l'image, la bande sonore.
L'Arcom vérifie après diffusion la pertinence des classifications retenues par les chaînes et le respect des horaires de programmation. Les interventions courantes prennent la forme d'une lettre de rappel, qui a pour préalable une procédure contradictoire, l'idée étant pour le régulateur d'agir par la voie du dialogue. Si elle intervient toujours a posteriori, elle a néanmoins une efficacité certaine, les chaînes rectifiant la signalétique et les horaires de programmation si nécessaire.
Les actions de sensibilisation se traduisent par deux campagnes annuelles portant sur la signalétique, l'idée étant d'expliquer au grand public le dispositif de protection télévisuelle des mineurs. Cette campagne a lieu tous les ans à partir du 20 novembre, pendant trois semaines au minimum, de façon obligatoire par toutes les chaînes de télévision, ainsi que par tous les services de médias audiovisuels à la demande. La campagne « Enfants et écrans », quant à elle, est centrée sur le rapport des enfants aux écrans, envisagé au prisme de la question des modes de consommation. Ce sont des conseils mais également des règles d'usage pour les plus grands. Toutes les chaînes y participent chaque année. Depuis les dernières années, la plupart des chaînes utilisent le même message, mis à disposition par France Télévisions, pour lui donner plus de puissance.
Pour conclure, la protection du jeune public relève d'une responsabilité partagée entre les télévisions, les parents et l'Arcom.