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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du jeudi 1er février 2024 à 14h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Patrick Bloche, adjoint à la maire de Paris, ancien député de Paris, ancien président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Merci beaucoup pour votre invitation. Il me paraît surtout utile d'évoquer le texte de 2016, celui de 2015 étant avant tout technique et revêtant une moindre importance au regard des objectifs de votre commission d'enquête, dont je salue la création qui me paraît bienvenue au regard de l'importance du sujet traité.

J'ai déjà été auditionné à deux reprises. Ma première audition s'inscrivait dans le cadre de la mission relative à la concentration dans le secteur des médias à l'ère numérique, menée conjointement par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des affaires culturelles entre 2021 et 2022. Dans leur rapport, très volumineux et très instructif, les rapporteurs ont, d'une part, affirmé la nécessité de réactualiser notre dispositif anticoncentration, devenu largement obsolète, d'autre part, exprimé le souhait que soit réévaluée la loi du 14 novembre 2016.

J'ai ensuite été auditionné dans le cadre de la mission d'évaluation de l'impact de la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, créée au sein de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, par Mme Isabelle Rauch et M. Inaki Echaniz, ses rapporteurs, ainsi que d'autres parlementaires.

En 2016, je faisais partie de la commission d'enquête sur les conditions d'octroi d'une autorisation d'émettre à la chaîne Numéro 23 et de sa vente, dont Marcel Rogemont était le rapporteur. Son rapport fut assez sévère, notamment s'agissant des modalités de contrôle de ces conditions d'octroi et de vente. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) avait décidé, en octobre 2015, de retirer à la chaîne Numéro 23 son autorisation d'émettre. Ce fut la première décision forte de cette autorité de régulation. Il existait alors un bon alignement des planètes entre la représentation nationale, dans le rôle d'évaluation et de contrôle qu'elle exerçait par cette commission d'enquête, et le CSA, au travers des décisions de retrait ou d'autorisation d'émettre qu'il prenait, parallèlement aux travaux de la commission ou à leur suite.

Il est évidemment important de s'intéresser à la loi du 14 novembre 2016 dans la perspective du renouvellement, ou non, en 2025, de l'autorisation d'émettre de la moitié des chaînes de la TNT.

Cette loi a été adoptée à un moment où des opérations significatives donnant lieu à une concentration des médias s'étaient produites : le rachat du groupe Canal+ par le groupe Bolloré, ou encore de Libération et de L'Express par le groupe aujourd'hui nommé Altice France (anciennement Numericable-SFR puis SFR Group).

Le contexte de 2016 était alors marqué par la censure par le groupe Bolloré d'un documentaire sur le Crédit mutuel puis d'un reportage sur l'Olympique de Marseille ou encore, dans la presse écrite, par la modification ou l'absence de publication d'articles du Figaro traitant de politique internationale et contraires aux intérêts du groupe Dassault. Hélas, le contexte de 2024 est sans comparaison avec celui de 2016, qui était bien moins dégradé du point de vue de la liberté, de l'indépendance et du pluralisme des médias, donc de la démocratie.

C'est d'ailleurs pendant l'examen de la proposition de loi du 14 novembre 2016 qu'a eu lieu la longue grève de la rédaction d'I-Télé. Nous en connaissons l'issue : la substitution de CNews à I-Télé.

L'adoption du texte a été rapide, avec le soutien de l'exécutif, qui a décidé d'appliquer la procédure accélérée. Il avait pour objectif principal de renforcer le renforcement le respect du principe de valeur constitutionnelle d'honnêteté, d'indépendance et de pluralisme de l'information et des programmes audiovisuels.

En tant qu'auteur et rapporteur de cette loi, j'ai travaillé sur le plan technique en étroite collaboration avec le CSA, notamment avec son président Olivier Schrameck, que vous allez sans doute auditionner. L'objectif premier était pour nous d'élargir à l'ensemble des journalistes des dispositions protectrices ayant trait au respect du droit d'opposition et dont ne bénéficiaient que les journalistes des médias publics. Nous avons construit sur ce fondement un dispositif reposant notamment sur la création des comités relatifs à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes, aussi appelés comités d'éthique.

Une loi ne vaut toutefois que si elle est appliquée, et j'imagine que nous n'évoquerons pas tant les dispositions de la loi du 14 novembre 2016 – que je serais ravi de voir modifiées, revues et renforcées – que le contrôle de leur bonne application. Il s'agit évidemment d'un champ d'échanges vaste, où le scepticisme peut trouver sa place.

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