Intervention de Sabrina Sebaihi

Réunion du mercredi 14 février 2024 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabrina Sebaihi :

Elle s'appelle Angélique Cauchy, violée à 400 reprises par son entraîneur. Elle s'appelle Sarah, victime de violences et de viols entre ses 15 et ses 17 ans. Ils s'appellent Emma, Patrick, Théo, Catherine, Laurent, Manon et comme des milliers d'autres, ils n'ont pas été protégés par l'État, par un ministère des sports défaillant et dysfonctionnel qui a longtemps refusé de traiter, de voir, d'agir, et qui, parce qu'il cherchait parfois de façon obsessionnelle des médailles et des performances, était tétanisé lorsqu'il apprenait les agissements d'entraîneurs, de bénévoles ou d'étoiles montantes du sport.

Des parents ont confié leur enfant, et leur confiance a été brisée. Un enfant sur sept est victime de violences dans le sport. La proportion de viols sur mineurs, déjà très élevée dans notre société – la Ciivise a recueilli plus de 27 000 témoignages –, dure dans le monde sportif plus longtemps que la moyenne ; les agresseurs y prospèrent parfois en toute impunité, passant de club en club sans être inquiétés, ou si peu. Il faut le dire : si nous nous retrouvons aujourd'hui pour discuter de cette proposition de loi, c'est grâce à celles et ceux qui ont eu le courage de témoigner, à celles et à ceux qui après avoir été brisés ont porté la parole de tant d'autres, alors qu'eux-mêmes ne se relèveront peut-être jamais. C'est pour elles et pour eux, qui ont aujourd'hui la force d'avancer malgré tout, que ce texte est important.

Ces dernières années, l'arsenal législatif ainsi que l'appareil administratif se sont renforcés. Mais jusqu'où, et à quel prix ? Lors des travaux de la commission d'enquête dont j'étais la rapporteure, j'ai pu constater comme vous, madame la rapporteure, les insuffisances du contrôle d'honorabilité. Depuis 2006, toute personne condamnée pour des infractions à caractère sexuel se voit interdire d'encadrer une activité sportive ; cela concerne 220 000 éducateurs professionnels et 2 millions de bénévoles. Il aura pourtant fallu attendre 2021 pour que les bénévoles soient contrôlés : quinze ans, c'est plus que l'âge moyen des mineurs victimes de violences sexistes et sexuelles dans le sport, lequel est plutôt de 11 ans.

Lorsque le ministère a été interrogé à ce sujet, quarante-deux fédérations n'étaient pas à jour du contrôle d'honorabilité et seulement la moitié des bénévoles sont contrôlés aujourd'hui ; de plus, ce contrôle est fait uniquement à partir du FIJAISV. Je vous laisse juges de l'importance qui a été accordée à cette obligation jusqu'à présent.

Le garde des sceaux, devant notre commission d'enquête, nous indiquait qu'en 2023, 70 000 bulletins n° 2 et 90 000 inscriptions au FIJAISV avaient été vérifiés dans le cadre du contrôle des éducateurs sportifs, dont le nombre dépasse pourtant les 200 000 et alors que ce contrôle est obligatoire chaque année. Qu'attend l'État pour respecter ses propres textes ? Pourtant, la ministre nous l'a assuré : nous avons déjà trop attendu.

Oui, l'attente est devenue coupable. Je remercie notre rapporteure de faire partie de celles et ceux qui ne veulent plus attendre : nous le devons aux victimes, à leurs proches et au monde du sport. Il est temps d'exiger : nous exigeons que des moyens conséquents soient débloqués pour les services du ministère, afin qu'enfin plus aucun encadrant ne passe au travers du filet du contrôle d'honorabilité. Nous exigeons que les victimes soient respectées, que leur attente insoutenable prenne fin, que ce ne soit plus elles qui soient mises à l'écart, qu'elles soient accompagnées plutôt que jugées, qu'elles soient crues. Nous exigeons de ne plus attendre.

Le groupe Écologiste votera évidemment en faveur de ce texte, qui est une première étape. Nous pourrons travailler ensemble sur la concrétisation d'autres recommandations. J'invite chacun ici à se poser une seule question pour guider son vote : et si c'était mon enfant ?

Enfin, j'avoue avoir été très choquée par l'intervention du RN. Si la question des violences sexuelles vous préoccupait tant que cela, vous n'auriez pas quitté la commission d'enquête juste après le témoignage des victimes. Instrumentaliser un sujet aussi grave est indécent.

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