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Intervention de Claudia Rouaux

Réunion du mercredi 14 février 2024 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaudia Rouaux, rapporteure :

Protéger les mineurs et l'ensemble des personnes vulnérables est une impérieuse nécessité. Le club où un enfant pratique un sport doit être un sanctuaire où l'on se consacre à l'apprentissage non seulement d'une discipline, mais aussi de valeurs. S'il est d'usage de dire que le sport est une école de la vie, c'est parce qu'il apprend la persévérance, le dépassement de soi et surtout le respect de l'autre. Voilà pourquoi la violence, la peur et les discriminations de toute sorte n'ont aucune place dans une association sportive.

Or, tout récemment, la commission d'enquête que notre assemblée a consacrée aux fédérations sportives a pointé de multiples dysfonctionnements. Ses conclusions accablantes ont même provoqué une onde de choc dans le milieu sportif. Sa rapporteure Sabrina Sebaihi a bien montré que les risques de violences étaient particulièrement élevés dans le milieu sportif. Dire cela, ce n'est stigmatiser ni le sport, ni les éducateurs sportifs, ni les pratiquants. Le sport n'est pas une activité humaine qui doit être distinguée des autres ; simplement, il concentre certains facteurs de risque de violences, notamment de violences sexuelles. Parmi eux, l'âge des pratiquants, qui ont majoritairement moins de 30 ans ; la relation asymétrique entre l'entraîneur et l'entraîné ; un rapport particulier au corps et la promiscuité corporelle ; les situations de huis clos dans les centres d'entraînement, les internats, etc.

Outre ces facteurs de risque, un autre phénomène est particulièrement frappant s'agissant du milieu sportif en matière de violences : l'omerta qui a trop longtemps régné. Vous me permettrez d'avoir une pensée particulière pour toutes les personnes, en particulier les jeunes femmes, qui ont osé témoigner, contribuant ainsi, progressivement, à fissurer le mur du silence et, disons-le, de l'indifférence. Je pense, bien entendu, à Catherine Moyon de Baecque, à Sarah Abitbol, à Angélique Cauchy – et à tant d'autres.

Je tiens également à saluer l'engagement en la matière des ministres Roxana Maracineanu et Amélie Oudéa-Castéra. Grâce à elles, la lutte contre les violences dans le monde du sport est enfin devenue une priorité.

Je ne saurais passer sous silence votre engagement à tous, mes chers collègues. Je pense à notre présidente, Isabelle Rauch, qui m'a soutenue dans ma volonté de faire adopter aussi vite que possible la présente proposition de loi. Je pense également à tous les responsables de groupe, qui ont accueilli le texte avec attention et même avec bienveillance. J'adresse une pensée amicale à Béatrice Bellamy, qui présida la commission d'enquête que j'ai mentionnée ; à Stéphane Mazars et Stéphane Peu, qui ont souligné, dans leur travail considérable sur les Jeux olympiques et paralympiques, l'importance de profiter de l'année 2024 pour renforcer l'éthique dans le sport – ce sera, à mes yeux, l'un des éléments fondamentaux de l'héritage des JOP ; à Maxime Minot et Belkhir Belhaddad, qui suivent avec tant de minutie la préparation des Jeux au sein de notre commission.

Les travaux de la commission d'enquête m'ont confortée dans la conviction qu'il était indispensable de renforcer les dispositifs de prévention et de traitement des atteintes à la sécurité des pratiquants, au premier rang desquels le contrôle de l'honorabilité. Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

Je remercie pour leur travail l'auteur de la proposition de loi, le sénateur Sébastien Pla, ainsi que son rapporteur au Sénat, Jean-Jacques Lozach. La Haute Assemblée a adopté ce texte à l'unanimité le 15 juin 2023. Depuis lors, les travaux de la commission d'enquête ont montré qu'il y avait urgence à agir. C'est ce que nous vous proposons de faire en apportant à votre tour votre soutien à cette proposition de loi.

Le contrôle de l'honorabilité des bénévoles est inscrit dans les textes depuis 2006, mais il n'est devenu pleinement opérationnel que depuis 2021, avec le déploiement du système informatique « SI honorabilité ».

Le code du sport prévoit une série d'incompatibilités avec certaines fonctions, limitativement énumérées, exercées dans le champ du sport à titre professionnel ou bénévole.

Parmi elles figure la fonction d'éducateur sportif. Les exploitants d'établissement d'activités physiques et sportives (EAPS) sont également dans le champ du dispositif. Pour le moment, le ministère des sports se cantonne à la vérification de l'honorabilité des président, trésorier et secrétaire pour les associations sportives, et des gérant, président, directeur général, président du directoire et directeur général unique, en fonction de la forme de la société affiliée.

Les juges et arbitres sont également soumis à l'obligation d'honorabilité, dès lors qu'ils interviennent auprès d'une fédération sportive. La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a inclus dans le dispositif les surveillants de baignades d'accès payant, de même que l'ensemble des intervenants auprès de mineurs au sein d'un EAPS.

L'article 1er de la proposition de loi vise à inscrire dans la loi le principe d'annualité du contrôle de l'honorabilité des éducateurs sportifs, des exploitants d'EAPS et des juges et arbitres, que leurs fonctions soient exercées à titre bénévole ou professionnel. Ce contrôle s'opérera par la double consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV).

Par ailleurs, il introduit une incapacité d'exercice pour les personnes condamnées par une juridiction étrangère à une condamnation incapacitante en droit français.

Enfin, par exception au principe de réhabilitation pénale, il prévoit que les incapacités relevant du contrôle de l'honorabilité sont applicables en cas de condamnation définitive figurant dans le FIJAISV, même si elle n'est plus inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

L'article 2 crée pour les dirigeants de club une obligation de signalement aux services de l'État des comportements des personnes entrant dans le champ du contrôle de l'honorabilité qui présentent un danger pour la sécurité et la santé physique ou mentale des pratiquants. Il crée également une mesure administrative d'interdiction, temporaire ou définitive, de diriger un club, dans certaines conditions.

Bien entendu, aucun texte n'est parfait et celui-ci ne fait pas exception à la règle. Mais j'ai la conviction que nous devons l'adopter au plus vite pour capitaliser sur les acquis de la commission d'enquête et maintenir la pression sur les fédérations.

Il pourrait être amélioré, nous en avons tous conscience. En effet, plusieurs questions méritent d'être posées s'agissant du contrôle de l'honorabilité. Une réflexion sur son champ, en particulier, devrait être conduite dans le cadre du projet de loi sur le sport que la ministre a promis de présenter après les Jeux olympiques et paralympiques. Selon moi, il faudrait contrôler l'honorabilité de l'ensemble des personnes intervenant auprès de mineurs au sein des EAPS. Aujourd'hui, certaines catégories de licenciés ne sont pas contrôlées et certains intervenants dans les clubs ne sont pas licenciés. Afin d'assurer l'effectivité du contrôle et d'éviter autant que possible le contact des mineurs avec des personnes dangereuses pour leur intégrité, un élargissement du contrôle de l'honorabilité à l'ensemble des licenciés pourrait être envisagé. Les intervenants réguliers au sein des clubs devraient également être licenciés.

Mais les éléments de ces deux réformes essentielles ne semblent pas encore arrivés à maturité. Des questions d'ordre économique – liées au coût des licences –, matériel et juridique se posent. J'ai été alertée, lors des auditions, sur la nécessité de rendre le « SI honorabilité » plus robuste, de façon à permettre la montée en charge progressive du contrôle. En outre, une augmentation des effectifs des services déconcentrés me semble absolument incontournable si l'on veut que le contrôle soit crédible et, par conséquent, dissuasif.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous propose que nous nous en tenions au présent texte.

J'ai la conviction que le monde sportif est prêt à cette évolution et que, très bientôt, le contrôle de l'honorabilité sera parfaitement routinier. J'en veux pour preuve le climat extrêmement constructif dans lequel se sont déroulées les auditions que j'ai menées. De nombreux dirigeants sportifs reconnaissent désormais la nécessité de ce dispositif.

D'ores et déjà, celui-ci est monté en puissance dans les fédérations, comme en témoignent les derniers chiffres que Fabienne Bourdais m'a communiqués. Au 1er février 2024, le contrôle d'honorabilité avait été effectué pour 1,66 million de bénévoles, dont 770 000 exploitants d'EAPS, 750 000 éducateurs sportifs et 140 000 arbitres et juges. En mai 2023, 1 million avait été contrôlé, et 1,2 million au 6 novembre.

Mes chers collègues, ce texte n'est qu'une étape, mais une étape indispensable. En l'adoptant conforme, vous contribuerez à renforcer la protection des pratiquants. Je vous en remercie par avance.

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