Il y a effectivement plusieurs enjeux liés à l'anticipation. Le premier a été relevé par M. Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS), qui réclame depuis au moins 2022 la création d'un ministère délégué ou d'un secrétariat d'État chargé de la préparation des populations. Une telle mesure serait intéressante, a fortiori si cette administration était placée auprès du Premier ministre, ce qui lui donnerait une dimension interministérielle. À l'échelle de l'État comme au niveau des citoyens, le plus difficile est aujourd'hui d'agir dans une optique interministérielle. Il conviendrait d'identifier tous les acteurs concernés, de les réunir autour de la table et de leur faire respecter ce triptyque militaire bien connu : un chef, une mission, des moyens.
Certaines structures nationales, certaines associations agréées de sécurité civile se montrent très ambitieuses et demandent des rallonges dans le cadre d'un pacte capacitaire. C'est très bien – je le dis d'autant plus que l'UNSC est une association agréée de sécurité civile –, mais chacun doit aussi savoir se recentrer sur ses missions propres et accepter que d'autres structures prennent part aux interventions en assumant des missions spécialisées. Lors de précédentes auditions, on vous a parlé du projet formidable qu'est la création de maisons de sécurité civile. Allons encore plus loin, en recensant les moyens de chaque acteur, en cherchant des complémentarités au sein des territoires et en envisageant une mutualisation de ces moyens, notamment des moyens lourds comme les vecteurs de transport, qui pourrait s'avérer intéressante en cas de catastrophe naturelle.
Le contrôleur général Emmanuel Clavaud a préconisé la réalisation d'une étude sociologique sur le profil des volontaires chez les sapeurs-pompiers. Là encore, allons plus loin, en nous demandant qui sont les acteurs de notre sécurité civile dans son ensemble. Ils sont très divers : il serait intéressant de chercher à les connaître et à les identifier. Je pense à une initiative très intéressante qui a vu le jour, à Toulouse, lors de la crise du covid-19 : des citoyens venus de tous horizons se sont mis à la disposition d'une association, les Hussards blancs de la santé, encadrée par des sapeurs-pompiers, des militaires de réserve et des soignants, qui les ont accueillis et leur ont assigné un rôle. Ils ont ainsi réussi à mettre en place le plus grand centre de vaccination européen. Cette initiative formidable a permis à chacun de trouver sa place, au bon niveau d'action, les spécialistes de la sécurité civile – associations, sapeurs-pompiers, militaires et soignants – ayant un rôle d'encadrement.
Pour garantir la continuité de l'anticipation et construire une réponse collective, les temps de rencontre sont importants. Il y a deux ans, on a donné un nouveau souffle à la journée nationale de la résilience, un formidable temps de rencontre entre les différents partenaires. On s'est aperçu dans ce cadre de l'énorme investissement de nombreux acteurs privés au service de l'intérêt général et de la préparation des populations.
Un autre enjeu est celui de la formation au secourisme. Il est assez difficile d'obtenir l'agrément pour la formation aux premiers secours ; il s'agit d'une complexité voulue, conçue pour protéger une chasse gardée économique. Or, le rapport remis en 2016 par Patrick Pelloux et Éric Faure a montré que l'offre n'était pas au niveau de la demande de formation du grand public, et que le coût de ces formations était trop élevé – 60 euros par personne en moyenne pour le certificat de prévention et de secours civiques de niveau 1 (PSC1). Il n'est pas normal de faire payer un tel prix à des jeunes, qui n'ont pas de revenus et dont c'est souvent la famille qui doit supporter ce coût. L'accès à ce type de formation devrait être un droit fondamental. Soyons honnêtes : cette formation ne coûte pas 60 euros, même en tenant compte des investissements matériels. Abaissons-en le prix et plafonnons-le ! Intéressons-nous également à d'autres types de formations, qui pourraient dégager des recettes pour les associations agréées de sécurité civile si elles décidaient d'élargir le champ de leurs missions aux interventions auprès des mairies – c'est d'ailleurs ce que font aujourd'hui les services d'incendie et de secours, qui forment les élus à la gestion de crise. Il faut donc peut-être repenser le schéma des formations.
En lien avec ma remarque sur l'interministérialité, j'aimerais aussi poser la question des passerelles. Le système des équivalences entre le PSC1, la formation de sauveteur secouriste du travail (SST) et l'attestation de formation aux gestes et soins d'urgence de niveau 1 (AFGSU1) dans le secteur de la santé n'est pas complet. Il faut absolument tout remettre à plat. On ne parle pas d'un diplôme d'État d'infirmier ou d'un diplôme de médecine : il s'agit de sauver des vies par des gestes élémentaires.
Il me paraît en outre indispensable d'abaisser l'âge d'accès aux formations aux premiers secours en France. À l'époque, j'ai moi-même contourné la règle : je n'avais pas 10 ans quand j'ai voulu passer le PSC1, et j'ai eu la chance qu'avec l'accord de mes parents, une structure ait accepté de me faire une dérogation. J'ai travaillé au marché pour financer cette formation ; je l'ai suivie, ce qui m'a mis le pied à l'étrier et permis d'obtenir un petit diplôme officieux, puis je l'ai revalidée à mes 10 ans. Or, on s'aperçoit qu'il n'est pas nécessaire d'avoir 10 ans pour faire un massage cardiaque ou mettre quelqu'un en position latérale de sécurité (PLS). Ces gestes sont possibles dès 6 ans, et même avant ! Abaissons au moins à 6 ans l'âge minimal d'entrée dans cette formation : plus tôt on commence, mieux ce sera.
De même, les associations agréées de sécurité civile verront un intérêt à ce que l'on ramène à 14 ans l'âge d'accès aux formations de premiers secours en équipe de niveaux 1 et 2 (PSE1 et PSE2). Si l'âge minimal est actuellement fixé à 16 ans, c'est parce qu'il y est question de la mort ; pourtant, on sait très bien que les jeunes voient un certain nombre de choses sur les réseaux sociaux… Dans Corps et âme, le médecin-chef Nicolas Zeller explique que l'on veut cacher la mort, alors qu'il faudrait au contraire se préparer à la voir avant qu'elle nous tombe dessus de façon brutale. En fixant l'âge minimal de ces formations à 14 ans, on y donnera accès aux jeunes disponibles pendant leurs congés scolaires, avant qu'ils n'entament leurs études supérieures : cela créera un vivier supplémentaire de personnes formées au secourisme. Il est très simple de modifier ces seuils d'âge dans les décrets d'application : ce sera déjà une belle première mesure.