Le collectif Citoyen du 13 Novembre a été créé par trois personnes qui étaient présentes sur la terrasse de La Belle Équipe le soir du 13 novembre 2015 : un commerçant du quartier, une jeune femme journaliste, formée aux premiers secours tactiques, qui disposait de matériel, et moi-même, qui ai décidé de porter assistance aux victimes en bas de chez moi. L'attaque a fait vingt et un morts : c'est le lieu où le nombre de victimes par rapport aux personnes présentes a été le plus élevé.
Nous n'étions pas de simples secouristes, chacun avait une histoire, un parcours, un vécu, qui l'ont conduit à décider de s'opposer aux conséquences de l'attaque. C'était un acte résistant, et non un acte résilient. N'étant pas des militaires, notre rôle n'était pas d'attaquer les attaquants. Nous avons montré ce que les civils sont capables de faire quand ils sont attaqués. C'est la place des civils, des citoyens, dans la constellation que vous avez évoquée, que nous avons voulu défendre par la suite, en fondant le collectif Citoyen du 13 Novembre. Cette place est limitée – il n'y avait d'ailleurs aucun terme pour nous caractériser à l'époque. J'ai fait connaître celui d'aidant de première ligne, ou first liner. Les premières personnes qui viennent en aide aux victimes sont les voisins, les survivants, les témoins. Quelle place notre société leur accorde-t-elle ?
Les applications Staying Alive et Sauv Life ont donné la possibilité aux services de secours de faire intervenir des civils précocement. En favorisant cette action, on augmente les chances de survie des victimes. Il faut encourager cette démarche, que j'appelle « l'initiative citoyenne en cas d'urgence ». Elle traduit la place que les civils peuvent prendre en cas de crise, dans les premières minutes – les golden minutes –, ces moments vitaux pour stabiliser une personne avant l'arrivée des secours.
Je suis fier d'avoir rencontré Thomas Alliot quelque temps après : sa démarche est notre avenir. C'est en formant les jeunes le plus tôt possible, en les structurant, qu'on construira la base de la société que nous voulons. Dans un monde où prime le chacun pour soi, il est crucial de former les gens à aider l'autre. Je me bats depuis huit ans, aussi bien au sein de Life for Paris, l'association de victimes des attentats du 13 Novembre, que seul, en essayant de faire bouger les choses. Je souhaiterais une évolution de la loi visant à créer le statut de citoyen sauveteur, qui n'existait pas en 2015 : cette loi est trop floue et trop ciblée sur l'arrêt cardiaque.
Il est également nécessaire de rendre accessibles des matériels permettant d'agir plus efficacement en cas de crise : lors d'un incendie, on est heureux d'intervenir avec un extincteur. Le 13 novembre, étant sans gants, sans protection, je n'ai pu traiter que deux personnes, Anne-Sophie Clément, avec la formation qu'elle avait reçue et sa trousse de secours, a secouru quatre à cinq victimes. C'est pourquoi j'ai demandé à une grande société française de développer une trousse à destination des établissements recevant du public : si l'on place du matériel à disposition, dans le boîtier du défibrillateur par exemple, le secouriste présent pourra agir avec de vrais outils, donnant ainsi plus de chances aux victimes.