Intervention de William Roos

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

William Roos, chef de service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor :

La légitimité que je mentionnais au titre des besoins de financement n'est pas d'ordre moral. Nous observons bien l'existence de besoins pour le développement économique ou pour l'action climatique, qu'il s'agisse de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou, surtout pour l'Afrique, de l'adaptation au changement climatique. La présidence indienne du G20 a commandé un rapport à deux économistes, Larry Summers et Nand Kishore Singh. Sur l'ensemble des besoins dans les pays en développement, ils considèrent qu'à l'horizon 2030, 3 000 milliards supplémentaires seront nécessaires, à la fois pour les enjeux de développement et les enjeux de climat au sens large. Selon eux, les deux tiers de cette somme (2 000 milliards de dollars) doivent provenir de financements locaux, c'est-à-dire d'institutions financières locales, de banques locales, et de la mobilisation des recettes fiscales dans ces pays. Le tiers restant, soit 1 000 milliards de dollars, doit provenir de l'extérieur, dont la moitié au titre de l'aide publique au développement et l'autre moitié au titre du secteur privé des pays riches. L'aide publique au développement se scinde elle-même en actions bilatérales et multilatérales.

À cet effet, l'agenda du G20 vise à accroître les capacités de financement des banques multilatérales de développement à des taux très bas, qu'il s'agisse de financements concessionnels ou non. L'ensemble des pays du G20 et des actionnaires des banques multilatérales s'efforcent d'optimiser le capital de ces banques, afin d'accroître les financements. en parallèle, la France est ouverte à une discussion sur des augmentations de capital de ces banques multilatérales, qui permettent d'obtenir un important effet de levier. Ainsi, pour un euro injecté dans une banque multilatérale, celle-ci peut délivrer six ou sept euros en capacité de prêt.

Ensuite, vous nous avez interrogés sur l'aide publique au développement, notamment pour savoir si la répartition entre les dons et les prêts est pertinente. Cette légitime question relève d'un choix politique, qui s'effectue chaque année lors de la présentation de la mission sur l'aide publique au développement. Sur le plan technique, il importe que des pays comme la France ou d'autres maintiennent un volet d'aide en prêts au-delà de ceux du FMI, dans la mesure où des besoins doivent être financés de cette manière, comme les besoins d'infrastructures ou des besoins de financements budgétaires.

Ensuite, le placement du curseur entre prêts et dons est une décision d'ordre politique. Selon la méthodologie de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sur les 15 milliards d'euros d'aide au développement fournis par la France, douze milliards d'euros concernent des dons et trois milliards d'euros portent sur des prêts.

Faut-il procéder à des annulations systématiques de prêts ? Ma réponse technique est négative. En effet, si nous savons par avance que les prêts vont être automatiquement annulés au bout de quelques années, la bonne réponse consiste cesser les prêts et à ne procéder que par des dons. Il s'agit là d'une forme d'honnêteté vis-à-vis du Parlement. Si nous voulons continuer à pouvoir effectuer des prêts, les restructurations ne doivent intervenir que lorsqu'elles sont absolument nécessaires. Nous les réalisons dans le cadre du secrétariat du Club de Paris, assumant la priorité d'un retour le plus important possible pour la France et les contribuables français qui ont financé ces prêts, tout en respectant les capacités de remboursement des pays bénéficiaires.

Lorsque nous négocions aujourd'hui des restructurations de dette, comme nous le faisons pour des pays comme la Zambie, l'Éthiopie ou le Ghana, notre priorité vise à réduire les flux financiers et le service de la dette, mais aussi à faire en sorte que l'ensemble du capital soit remboursé. De fait, les annulations en capital sont très rares. Lorsque nous avons agi de la sorte, notamment de manière massive dans un cadre coordonné multilatéral comme celui de l'initiative pays pauvres très endettés, elles étaient comptabilisées comme une aide publique au développement. Mais sur le fond, une annulation de dette est un don. Encore une fois, il est logique d'être transparent, afin qu'un débat politique nécessaire sur la répartition puisse avoir lieu, mais il ne faut pas faire un prêt pour faire in fine un don.

Sachez que le contrôle de l'aide publique au développement de la France est effectivement un sujet majeur, sur lequel porte notamment la loi de 2021. Cette évaluation est incontournable pour s'assurer de la bonne utilisation des fonds par les pays qui en bénéficient, qu'il s'agisse de prêts de politiques publiques ou des aides budgétaires. La plupart du temps, nous nous associons à des programmes FMI ou de la Banque mondiale, lorsque nous fournissons un appui budgétaire à un pays en difficulté. Nous interrompons les aides lorsque le pays n'est plus d'accord pour mettre en œuvre les améliorations de la gouvernance financière et de la transparence prévue dans le cadre d'un programme avec le FMI.

Enfin, je souhaite achever mon intervention en évoquant le sujet du franc CFA. Comme l'a indiqué M. Bruno Cabrillac, cette réforme a été symbolique, mais les symboles comptent. Ensuite, il n'y a aucun tabou dans notre dialogue avec les ministères des finances d'Afrique centrale ou d'Afrique de l'Ouest. Comme le Président de la République et le ministre des finances l'ont rappelé, nous sommes à l'écoute et si les gouvernements de ces pays souhaitent une évolution, la France l'accompagnera, évidemment.

Mais dans les faits, nous constatons que dans de nombreuses zones du monde, il existe une demande d'appui externe ou d'une coopération régionale pour réduire la volatilité des monnaies et les risques de change, au-delà de l'Afrique centrale ou de l'Afrique de l'Ouest. D'une certaine manière, la coopération monétaire telle que nous l'avons mise en place est une réponse possible, mais elle n'est pas la seule. Elle comporte un certain coût en termes de risques pour la France et il est logique, politiquement, que vous l'évaluiez.

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