Monsieur le président Coquerel, vous avez demandé si le système de change pénalise la compétitivité des pays de la coopération monétaire Afrique-France. Selon les estimations du FMI, depuis la dévaluation de 1994, le taux de change n'a jamais été durablement surévalué par rapport au taux de change d'équilibre. Il n'a pas non plus été durablement sous-évalué. Évidemment, le régime de change n'a pas d'effet sur la compétitivité hors prix. Par exemple, la France partage avec l'Allemagne la même monnaie, mais les résultats en matière de commerce extérieur sont loin d'être au même niveau.
Le 10 novembre dernier a été publiée une étude financée par l'AFD et réalisée par la Fondation pour les études et la recherche sur le développement international (Ferdi) sur la compétitivité hors prix dans les pays de l'Uemoa, qui évalue les différents facteurs, notamment ceux liés à la gouvernance, au climat des affaires, mais aussi aux infrastructures, et particulièrement les infrastructures d'énergie. Sur les avantages ou les inconvénients du système de change, il existe une littérature assez abondante, mais qui est peut-être un peu ancienne. Une autre étude récente de la Ferdi montre que sur le long terme, le système de change a été favorable pour la stabilité monétaire et donc pour la réduction de la pauvreté, puisque l'inflation touche avant tout les pauvres, notamment lors des périodes d'hyperinflation, qui conduisent à la dollarisation des économies. En revanche – et c'est effectivement un peu décevant – cette étude ne décèle pas d'effets significatifs sur la croissance, ni dans un sens négatif, ni dans un sens positif.
Ensuite, plusieurs d'entre vous ont indiqué que les pays de la coopération monétaire devaient récupérer une monnaie dont ils seraient les seuls maîtres. A priori, aujourd'hui, ils sont déjà les seuls maîtres de leur monnaie. Simplement, ils ont effectué un premier don de souveraineté monétaire, en créant des unions monétaires. Ils ont renoncé, comme nous l'avons fait nous-mêmes, à leur souveraineté monétaire au niveau des États. Ils ont choisi un système de change fixe qui contraint beaucoup leur politique monétaire, mais qui n'est pas si anormal pour les pays de niveaux de développement comparables. De fait, la plupart des pays à faibles revenus ont soit des systèmes de change fixe, soit des systèmes de change fortement gérés, pour éviter la volatilité des taux de change. Par conséquent, l'idée qu'ils ne seraient pas les seuls maîtres de leur politique monétaire me paraît erronée.
Vous avez également demandé si la politique de coopération monétaire pouvait enrayer la propagande antifrançaise. Elle l'a plutôt entretenue. C'est la raison pour laquelle nous avons conduit la réforme de la coopération monétaire avec l'UEMOA et que nous mènerons la réforme de la coopération monétaire avec CEMAC, afin d'enlever un certain nombre de symboles qui favorisaient les fausses interprétations. Malheureusement, certaines de ces fausses interprétations demeurent, comme celle consistant à dire que la France contrôle l'émission monétaire parce que les billets sont fabriqués à la Banque de France. La plupart des pays d'Afrique subsaharienne importent leurs billets sur la base de relations commerciales avec des entreprises allemandes ou britanniques, de la même manière que la Banque de France entretient des relations commerciales avec la BCEAO ou la Banque des États de l'Afrique Centrale. Le même raisonnement peut s'appliquer au stock d'or. La Banque de France détient effectivement le stock d'or de la BCEAO, de la même manière que nous gérons les stocks d'or d'un grand nombre de banques centrales. Cela leur permet de valoriser leurs réserves, mais n'a rien à voir avec une quelconque mainmise de la Banque de France sur les stocks d'or.
Par ailleurs, la question de la fuite des cerveaux a également été mentionnée. Des travaux, notamment ceux du professeur Hillel Rapoport, montrent qu'il existe également des effets positifs et qu'il faut, au cas par cas, en tenir compte pour évaluer les conséquences de la fuite des cerveaux. D'une part, elle encourage une diaspora encore plus active dans les relations entre les pays de départ et les pays d'accueil, ce qui engendre à son tour de la croissance. Ensuite, comme vous le savez, au niveau mondial, les remises de travailleurs émigrés ont dépassé maintenant les volumes d'aide publique au développement. En outre, la possibilité de partir à l'étranger et d'émigrer pour valoriser ses compétences renforce l'attractivité de l'éducation, et notamment de l'éducation supérieure dans un certain nombre de pays.
À titre personnel, je suis frappé par la disproportion entre d'un côté, les besoins de financement annoncés et calculés par les diverses institutions internationales ; et d'un autre côté, les flux officiels d'aides que nous pouvons mettre sur la table. Peut-être existe-t-il une surestimation des besoins de financement, lesquels sont calculés pour atteindre les dix-sept objectifs de développement durable, par nature très difficiles à établir.