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Intervention de Bruno Cabrillac

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno Cabrillac, directeur adjoint à la direction générale des statistiques, études et international de la Banque de France :

La direction générale de la Banque de France comprend une unité qui s'occupe pour le compte de l'État des questions de financement du développement, en lien très étroit avec la direction générale du Trésor.

Mon intervention portera particulièrement sur l'ex-zone franc, dont le nom a été changé, d'une part parce qu'il constituait un irritant à l'égard de nos partenaires africains et ensuite pour corriger une inexactitude. En effet, contrairement à ce que l'on entend encore aujourd'hui, il ne s'agit pas d'une véritable zone monétaire, mais d'un ensemble de pays ayant des accords de coopération monétaire avec la Banque de France, autour de trois zones monétaires totalement différentes. Il existe également deux francs CFA, deux monnaies totalement différentes qui ne sont pas librement convertibles entre elles.

Le seul lien qui unit ces pays de coopération monétaire Afrique-France est l'existence d'accords monétaires avec la France, qui reposent sur les mêmes principes, même si leurs textes sont différents. Ces accords de coopération monétaire représentent également le résultat d'un double choix librement exercé, par les pays de l'Union monétaire ouest-africaine (Uemoa) et de la Coopération financière en Afrique centrale (Cemac) : le choix d'être en union monétaire et d'avoir un taux de change fixe vis-à-vis de l'euro. Ce double régime de change rigide est unique au monde. Au titre de ces accords de coopération monétaire, la France donne sa garantie à chacune des banques centrales, donc à chacune des zones monétaires, et non à chacun des États. Cette garantie de change signifie qu'en cas d'épuisement des réserves mutualisées au sein de chaque zone, la France fournit de façon illimitée et inconditionnelle des réserves de change à ces zones.

À long terme, l'avantage principal de ce régime de change concerne sa stabilité monétaire : les études montrent que sur les trente dernières années, l'inflation cumulée a été significativement inférieure à celle des autres pays d'Afrique subsaharienne, pour des croissances à peu près comparables, notamment dans les pays du Sahel, ceux de l'Uemoa, ainsi que le Tchad, malgré tous les chocs qu'ils ont subis. Dans ce régime de change, la valeur de la monnaie est restée intacte lors des périodes de crise, qu'il s'agisse des troubles sécuritaires ou des périodes de poussée inflationniste internationale.

En 2023, la croissance a été relativement résiliente dans les pays de l'Uemoa, mais aussi de la Cemac, ces derniers étant essentiellement des pays exportateurs de pétrole, sont en convalescence depuis le retournement des cours en 2014. De même, les ratios d'endettement public sont plus faibles dans ces pays que dans le reste de l'Afrique subsaharienne. Ils disposent en outre de réserves de change substantielles. Ces fondamentaux se sont améliorés même si ces pays ont un peu plus utilisé leurs marges de manœuvre budgétaires et monétaires pour faire face à la crise Covid qu'en moyenne les autres pays d'Afrique sub-saharienne.

Le contexte de ralentissement de la croissance mondiale, de pressions inflationnistes persistantes et de durcissement des conditions de financement extérieur, notamment la fermeture des marchés de capitaux aux pays d'Afrique subsaharienne, et particulièrement ceux de l'UEMOA, est marqué par un recul des financements concessionnels dans l'Afrique subsaharienne et la diminution des financements chinois, auxquelles s'ajoutent des tensions sécuritaires et politiques, ainsi qu'une vulnérabilité élevée au changement climatique. De fait, les pays du Sahel figurent parmi les pays les plus sensibles aux risques physiques liés au changement climatique.

Malgré tout, je tiens à signaler la résilience de ces pays, en particulier les pays du Sahel au sein de l'UEMOA : le Mali, le Niger et le Burkina Faso, dont les performances macroéconomiques, selon les chiffres de la BCEAO, n'ont pas été fortement affectées malgré la dégradation de la situation sécuritaire et les coups d'État militaires. Ces derniers se sont généralement traduits par une petite poussée d'inflation, mais n'ont pas entraîné une forte régression du taux de croissance. Dans ces zones, le FMI a joué un rôle déterminant pour permettre à ces pays de mener une politique macroéconomique favorable à la croissance et au développement sur le long terme. Dans la zone CEMAC, composée de pays exportateurs de pétrole, le régime de change a permis une réelle stabilité monétaire, en comparaison avec d'autres pays exportateurs de pétrole comme l'Angola ou le Nigeria, qui ont subi un enchaînement dramatique, fait de hausse des prix, d'inflation et de détérioration du taux de change.

Au titre des déceptions relatives, on aurait pu penser que le régime de taux de change fixe aurait permis de limiter les effets du « syndrome hollandais », mais en réalité, ces pays n'ont pas fait plus de progrès en matière de diversification économique et de sortie progressive des énergies fossiles. La dépendance aux énergies fossiles demeure ainsi encore trop forte. Malgré tout, je souhaite conclure que dans la conjoncture actuelle marquée par une forte poussée inflationniste internationale, les avantages de ce régime de change demeurent significatifs.

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